Requiem pour le Grand Wire : Les géants de papier
Cinéma

Requiem pour le Grand Wire : Les géants de papier

Le Grand Wire, qui avait survécu au temps, a fini par plier les genoux. Doit-on parler de disparition du patrimoine historique ou de libération? C’est la question que pose Vicky Côté avec son court métrage documentaire, Requiem pour le Grand Wire.

Peu de mots suffisent pour soutenir le spectacle de la démolition de ce pan de notre histoire régionale. C’est un point de vue souvent muet que nous offre la caméra de Vicky Côté, observateur infatigable de la lente guérison – ou peut-être est-ce une agonie? – de La Baie. La réalisatrice, aidée pour la captation des images par Marc-André Gagné et Louis Côté, s’institue comme le témoin privilégié d’une étape importante de l’histoire du Saguenay.

"Le paysage vient de changer", note la narratrice comme s’il avait fallu peu de temps. Et pourtant, plus d’un an s’est écoulé entre la fermeture de l’usine Port-Alfred et le début de la lente démolition de ses plus gros éléments, disparaissant comme à l’emporte-pièce.

Avec ce court métrage, Côté se donne un peu plus de 20 minutes pour interroger la mémoire d’un siècle, mais aussi pour réfléchir à l’avenir. En effet, la documentariste écorche au passage le projet de port d’escale qui mobilise le pouvoir politique de la région. À peine le Grand Wire, cicatrice naguère imparable d’une époque révolue, est-il agenouillé que déjà on voudrait couper la population de son paysage tout neuf…

Si la narration manque parfois de naturel, échappant à l’occasion quelque maladresse, le texte ne manque pas de charme, ne souffrant aucun détour vaseux, ne lésinant pas sur l’efficacité – ce à quoi les productions théâtrales de Côté (Sonô, Les Immondes) nous ont habitués. La réalisatrice se permet aussi quelques clins d’oeil sans prétention à une poésie qui se nourrit à même les images du film… "Cent ans de poussière, partie au grand vent."

Requiem pour le Grand Wire est un document audio-visuel fait avec peu de moyens, mais avec beaucoup de passion. Qui a peut-être justement plus de valeur parce qu’il a été fait caméra à l’épaule. À quelques reprises, Côté laisse sourdre la rumeur des badauds rassemblés près des chantiers pour les moments cruciaux des grands affalements. Dans le fracas de ces monuments au pied d’argile se soulèvera sans doute l’émoi parmi les spectateurs. Une émotion qui prendra son temps, comme la poussière, pour retomber.

Avec ce documentaire, la réalisatrice évite le piège d’une valorisation du passé industriel de la région, sans pour autant sombrer dans une dénonciation exempte de nuances. Engagée dans son milieu, elle témoigne patiemment, en toute simplicité, de l’évolution du paysage de La Baie.

Requiem pour le Grand Wire est un film qui DEVAIT être fait. C’est cette urgence qui semble avoir poussé Côté à mener à terme son projet. Un document que les musées de la région pourraient bien présenter à leurs visiteurs dans quelques décennies. Lorsque la poussière sera vraiment retombée.

Le 3 avril
Au Musée du Fjord

Le 5 avril
À la salle Marguerite-Tellier
Voir calendrier Répertoire

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