L'Atelier de mon père : Père et fille
Cinéma

L’Atelier de mon père : Père et fille

Avec L’Atelier de mon père, gagnant du Prix de la meilleure oeuvre canadienne au dernier FIFA, le peintre Edmund Alleyn revit grâce à sa fille, la cinéaste Jennifer Alleyn.

Qui de mieux placé pour réaliser un film sur le défunt peintre québécois Edmund Alleyn, réputé pour être mystérieux et peu accessible, que sa propre fille? Ancienne de La Course destination monde et l’une des réalisatrices du film collectif Cosmos, Jennifer Alleyn n’a toutefois pu filmer son père qu’une seule fois, dans son court métrage Imaginer le rien (2001), où elle le réunissait virtuellement avec son confrère Jacques Monory. "J’ai posé cinq questions existentielles à mon père, explique-t-elle, puis je suis allée en France pour poser les mêmes à Monory. Ça a donné lieu à un petit échange vidéo fascinant, alors j’ai voulu en faire un film plus long. Mais c’est là qu’on a appris que mon père était malade, et il n’a plus voulu que je le filme."

Alleyn s’est alors concentrée uniquement sur le peintre français, réalisant La Vie imaginée de Jacques Monory, mais peu après le décès de son père, en 2004, elle a à nouveau voulu lui consacrer un film. "Quand il est mort et que je me suis retrouvée dans son atelier, je me suis dit que j’allais peut-être trouver là des fragments qui allaient me permettre d’avoir des réponses aux questions que je ne lui avais pas posées de son vivant. Qu’a-t-il cherché à transmettre, cet homme-là qui était mon père?"

Dans ce dialogue posthume, on sent une volonté de la part de la fille de ne pas répondre à la place de son père, si ce n’est en montrant beaucoup de ses créations, laissant au spectateur le loisir d’y trouver des pistes. "J’ai vraiment tenté d’éviter d’expliquer quoi que ce soit, confirme la cinéaste. Mon père redoutait les explications, surtout en art. Une oeuvre fait écho à tellement de choses, chacun la reçoit différemment et les interprétations sont infinies."

Même si elle a été plongée dès sa naissance dans l’univers artistique de son père, Alleyn en a grandement approfondi sa compréhension en tournant le film. "Je connaissais surtout ce qu’il avait fait pendant les 20 dernières années, mais là j’ai découvert tout ce qu’il avait fait à ses débuts, dans les années 50, alors qu’il a connu une gloire un peu précoce. Puis j’ai découvert les oeuvres complètement folles, débordant de couleurs et de symboles, de sa période indienne, qui correspond aussi à sa rencontre avec ma mère à Paris, qui est une sorte d’éclatement jubilatoire complet."

À travers le tout, ce qui frappe le plus, c’est l’originalité et l’hétéroclisme d’Edmund Alleyn. "C’était quelqu’un qui se laissait la liberté de faire des volte-face quand une aventure plus intéressante se présentait à lui, qu’elle soit formelle ou intellectuelle. Ça en fait une sorte d’électron libre dans le paysage de l’art québécois, parce qu’il ne s’est pas associé à un seul mouvement. Je voulais que le film traduise ça, cette espèce de va-et-vient des idées. J’entre dans son atelier, où la vie s’est arrêtée, où l’on est dans la fixité des choses. Puis en même temps, j’entre dans son immense cerveau bouillonnant, d’où ont jailli les tableaux, où dansaient aussi des souvenirs. C’est une célébration du bouillonnement de l’esprit."

En salle dès le 9 mai
Rétrospective Jennifer Alleyn, le 21 mai à la Cinémathèque

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L’ATELIER DE MON PÈRE

À la fois un portrait d’Edmund Alleyn, l’homme, et un inventaire de son oeuvre aussi fascinante que foisonnante, ce documentaire bénéficie énormément de l’intimité que Jennifer Alleyn avait avec lui. Ayant accès à son atelier et aux innombrables trésors qu’il renferme (tableaux, dessins, croquis, fusains, gouaches, lavis), la cinéaste se contente souvent de les partager avec nous, avec un minimum de commentaires. Elle s’entretient tout de même avec plusieurs proches du défunt, revisite les événements marquants de sa vie et inclut quelques images d’archives, dont des extraits de l’unique entrevue devant caméra qu’il lui a accordée. Enfin, avec la collaboration du directeur photo Jean-Claude Labrecque, Alleyn multiplie les échos visuels à l’oeuvre de son père, avec un plaisir évident.