61e Festival de Cannes : Les palmes de monsieur Smith
Du 14 au 25 mai, la Croisette vibre au rythme du 61e Festival de Cannes, troisième événement le plus médiatisé dans le monde. Le point avec Roland Smith du Cinéma du Parc.
Dans Roman de gare, savoureux film de Claude Lelouch, Fanny Ardant, qui y incarne avec panache une romancière fatale, s’écrie, dans l’espoir de se sortir d’une situation cauchemardesque: "Cap sur Cannes!"
Devant le déluge d’inepties et de produits pré-mâchés qui envahissent nos écrans ces derniers temps, plusieurs cinéphiles auraient envie d’en faire autant afin d’aller se nourrir des meilleurs films de la planète.
Parmi ces cinéphiles – selon Nice-Matin, la population cannoise triple, passant de 70 000 à 200 000 habitants -, Roland Smith, propriétaire et programmateur du Cinéma du Parc, met le cap sur Cannes pour la 34e fois de sa vie.
De nature généreuse, l’ex-propriétaire du Verdi et de l’Outremont a mis sur pied une programmation spéciale grâce à laquelle le public pourra, c’est son voeu le plus cher, vivre les émotions qu’il a ressenties en découvrant ces 39 films couronnés de la prestigieuse et convoitée Palme d’or, dont L’Éternité et un jour d’Angelopoulos, présenté pour la première fois à Montréal.
"Je voulais d’abord qu’on pense à ce festival qui aura lieu en même temps que cette programmation, explique celui qui a vu les Godard, Truffaut et Polanski s’accrocher aux rideaux lors de sa première visite à Cannes, en 1968. Et aussi parce que beaucoup de cinéphiles n’ont pas eu la chance de voir ou de revoir ces films sur grand écran. Il y a de bonnes raisons pour ça, c’est que les droits ne sont pas octroyés à des Québécois ou à des Canadiens."
Smith poursuit: "Dans les trois quarts des cas, il a fallu joindre les producteurs pour obtenir des copies. En tout, quatre mois de travail. Il est très important de comprendre que ces films-là ne sont pas dans les vidéoclubs; Underground et Papa est en voyage d’affaires de Kusturica, L’Arbre aux sabots d’Olmi, Missing de Costa-Gavras, Padre Padrone des Taviani, Quand passent les cigognes de Kalatozov, par exemple."
Malgré l’ardeur de Smith et de son équipe, le Parc n’a pu obtenir que 39 Palmes d’or – "The Third Man avec Welles est un Grand Prix et non une Palme d’or car dans les années 40, ça n’existait pas encore", souligne-t-il.
Qu’à cela ne tienne, il n’est pas dit qu’on ne retrouvera pas les absentes à l’affiche du Parc l’année prochaine et les suivantes puisque Roland Smith aimerait bien faire de cet événement une manifestation annuelle et, qui sait, avec des films issus d’autres catégories et des invités spéciaux.
"Cette programmation permet de mettre en perspective des Palmes d’or controversées comme Rosetta des Dardenne, saluée par le président Cronenberg, explique le programmateur à quelques jours de son départ pour Cannes. Nous ne voyions pas l’intérêt de présenter des films récents comme 4 mois, 3 semaines, 2 jours de Mungiu ou L’Enfant des Dardenne; par contre, nous présenterons Fahrenheit 9/11 de Moore parce que c’est l’un des rares documentaires primés."
À propos du format, Smith annonce: "Près du quart des films sont présentés en 35 mm, et nous ne présentons plus de DVD. Qu’elles soient en Beta numérique, en Beta SP ou en DVD, nous transférons les images sur un disque dur interne appelé Trekstor, un appareil allemand."
CANNES, UN MUST?
Avec des retombées de 170 millions d’euros l’an dernier, il est clair que le Festival de Cannes a son importance pour l’économie cannoise et celle de l’Ouest des Alpes-Maritimes – toujours selon Nice-Matin, plus aucune chambre d’hôtel ne serait libre dans la région. Qu’en est-il pour les Québécois, représentés cette année par Next Floor, percutant, décadent et délirant court métrage de Denis Villeneuve, et pour le ROC, que défend Atom Egoyan avec son Adoration?
"Denis Côté espérait jusqu’à la dernière minute, lance celui qui a bien hâte de voir Un conte de Noël de Desplechin (dont il avait distribué Rois et reine au Québec). À Cannes, les films sont montrés pour la première fois, que ce soit en Sélection officielle, à la Quinzaine des réalisateurs ou à la Semaine de la critique, il n’y a donc aucune idée préconçue. C’est très important que tous les gens qui travaillent en cinéma au Québec aillent y faire leur tour; ça nous permet de voir ce qui se fait dans le monde et de sortir de notre bulle nord-américaine."
Et que pense-t-il de la sélection actuelle, dont nous n’avions encore rien vu au moment d’écrire ces lignes (pas même le très attendu Blindness de Meirelles)? La réponse ne se fait pas attendre: "Le plus grand aspect négatif de Cannes, c’est le manque d’objectivité de la sélection. Cannes est un festival français, financé par des Français, et on est en droit de se demander comment il se fait qu’on retrouve trois ou quatre films français en compétition, alors qu’il n’y a pas ou rarement de films anglais, allemands ou italiens. Qu’est-ce que Garrel (La Frontière de l’aube) fait là? Il aurait été à sa place en 1968…"
"Très bientôt, on va se rendre compte que le Palais des festivals n’est plus assez grand. Il va falloir faire d’autres salles, mais cette année sera assez faible. Toutefois, un film philippin inconnu (Serbis de Brillante Mendoza), selon mes contacts à Toronto, sera difficile à battre. Sinon, on n’attend plus rien de Wenders (The Palermo Shooting). À mon avis, ma meilleure stratégie, c’est d’aller du côté des petits pays et des sections parallèles", croit Smith qui a l’intention de conclure des ententes avec plusieurs pays afin d’offrir au Parc des semaines de cinémas nationaux.
Et Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull dans tout ça? Encore là, la réplique est lancée sans hésitation: "Je n’irai pas le voir, mais la meilleure façon de vendre un événement auprès d’un public et des médias, c’est de faire venir des vedettes. Cette année, Madonna sera peut-être là… La plus grande attraction de Cannes, ce ne sont pas des événements de qualité comme la Semaine de la critique ou la Quinzaine, mais la montée des marches. On ne peut rien y faire, ç’a toujours été comme ça, c’est ça, Cannes. Et c’est grâce à des événements comme cela qu’on peut aussi découvrir du cinéma de grande qualité."
39 Palmes d’or
Du 16 mai au 12 juin
www.cinemaduparc.com
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