Au pays des colons : La Bitt à Tibi
Cinéma

Au pays des colons : La Bitt à Tibi

Avec Au pays des colons, documentaire finaliste aux derniers Jutra, Denys Desjardins ajoute un nouveau chapitre au cycle abitibien de Pierre Perrault.

"Ton arrière-arrière-grand-père, il a défriché la terre…"

Pour les Lalancette, Dégénérations de Mes Aïeux n’est pas qu’un air entraînant, c’est un peu l’histoire de leur famille qu’ils y entendent. Au début des années 1930, Ephrem Lalancette a été l’un des premiers à aller coloniser l’Abitibi, s’éreintant pendant des années pour défricher sa terre. Un de ses enfants, Hauris, a repris la ferme familiale et l’a labourée pendant toute sa vie, jusqu’à ce que son fils à lui, Dany, reprenne le flambeau, après être passé près de quitter le rang pour devenir non pas fonctionnaire comme dans la chanson, mais travailleur social.

Et puis il y a la petite Laurie, qui aime sincèrement leur petit coin de pays, mais qui, même à son jeune âge, semble consciente que de génération en génération, leur mode de vie devient de plus en plus marginal, toute l’attention des gouvernements et des compagnies étant portée vers l’exploitation des ressources minières et forestières, alors que les agriculteurs sont laissés pour compte.

À travers le quotidien de Hauris, Dany et Laurie, qu’il a documenté pendant près de sept ans, Denys Desjardins ancre son film dans une réalité personnelle et vécue. Mais Au pays des colons a aussi une vaste portée historique, politique et sociale, car le parcours de la famille Lalancette au cours des 75 dernières années reflète étroitement l’évolution de l’Abitibi.

Encore plus fascinante est la façon dont Au pays des colons rejoint une longue tradition de documentaires ayant été tournés dans cette région. Desjardins incorpore d’ailleurs de nombreux extraits de films tels qu’En pays neufs de l’abbé Maurice Proulx, L’Abatis de Bernard Devlin et, surtout, le cycle abitibien de Pierre Perrault, dont Hauris Lalancette était une des figures centrales. Ces images d’archives sont commentées par ce dernier, son fils et sa petite-fille, en plus d’être contrastées visuellement à leur réalité actuelle.

Autant Au pays des colons impressionne par sa forme et porte à réflexion par les thèmes qui y sont abordés, autant au final, c’est la grande gueule et le grand coeur de Hauris, l’humour de Dany, et le regard allumé de Laurie qui rendent le film si extraordinaire.

À voir si vous aimez /
Un royaume vous attend, Le Retour à la terre et Gens d’Abitibi de Pierre Perrault