Ricardo Trogi : 2008: l'odyssée du fantastique
Cinéma

Ricardo Trogi : 2008: l’odyssée du fantastique

Ricardo Trogi, président d’honneur, et Carnior, président fondateur, font le point sur Vitesse Lumière, festival du film fantastique québécois qui fête ses 10 ans. Party monstre.

LA MACHINE À VOYAGER DANS LE TEMPS

Alors que le premier festival consacré au film fantastique québécois (horreur, science-fiction, surréalisme, etc.) s’apprête à célébrer son 10e anniversaire, il convient de prendre une petite pause pour mesurer le chemin parcouru. Et qui de mieux placé pour ce faire que Ricardo Trogi (Québec-Montréal, Horloge biologique), un participant de la première heure qui a accepté d’être président d’honneur de cette édition spéciale de 10 jours, et Carnior, son fondateur? "Depuis quatre ans, j’ai de moins en moins de mérite; l’équipe m’aide vraiment beaucoup, précise ce dernier. Mais c’est bon signe, ça prouve que le festival devient une entité propre." N’empêche qu’il a eu une influence déterminante. "Il animait, il parlait à tout le monde; c’est juste s’il ne servait pas la bière, se rappelle Ricardo au sujet des débuts de Vitesse Lumière. Cet événement était personnalisé; tu participais à un trip de Carnior et non de subventions gouvernementales. C’est lui qui faisait le party, lui qui nous a embarqués dans sa douce folie. Déjà, la signature graphique du show était l’fun; il avait une longueur d’avance sur les autres festivals qui commencent. Et la crowd était différente; elle avait le goût de voir ce type de films. Le public était dedans en cibole!"

LES PATROUILLEURS DE L’ESPACE

Afin de nous remémorer de bons souvenirs, la programmation de cette année nous réserve plusieurs rétrospectives, dont la reprise intégrale de la première soirée. "Je vais m’habiller pareil, me mettre une perruque blonde… On va rire!" lance Carnior. À l’occasion de la seconde édition, Ricardo avait présenté Viandes et substituts, un film qui – coïncidence étrange – se déroule aujourd’hui et met en scène des pushers de viande, dans une société où il s’agit d’une denrée rare. "J’avais marqué 2008 parce que je trouvais que 2030, ça faisait trop loin; là, je regrette", note-t-il en riant, avant d’expliquer ce qui l’avait poussé à se lancer dans l’aventure: "C’était par curiosité parce que je n’avais jamais fait de science-fiction. Quand j’écris des trucs, habituellement, je me demande tout le temps si c’est crédible, alors la possibilité d’être absurde complètement me tentait. Si tu as un film où un gars laisse une fille au restaurant et que tu décides de le présenter à Vitesse Lumière, tu vas peut-être les habiller en hommes-grenouilles. Déjà, ton film va pogner une couleur plus l’fun. Ça donne un coup de pied dans le cul à l’imagination! En fait, ce qui rend ce festival unique pour moi, c’est qu’il donne du courage créatif, il donne confiance."

L’année suivante, il revenait avec Second Chance (au menu de la soirée d’ouverture), qui l’a conduit jusqu’à Cannes. "Ça m’a permis d’être pris plus au sérieux par les institutions quand j’ai proposé de faire Québec-Montréal, observe-t-il. Vitesse Lumière m’a amené à réaliser un de mes meilleurs courts métrages en toute liberté. Parce que tu ne penses jamais au jury et tout. L’idée est plus: viens nous divertir, fais quelque chose d’un peu éclaté et le monde va embarquer. C’est nécessaire dans le processus de création d’essayer des affaires." De même, Carnior fait valoir: "Ce qui est intéressant avec ce festival, c’est qu’on peut se laisser aller, ce n’est pas institutionnel. Aussi, même s’il s’agit de films fantastiques et d’horreur, le monde rit beaucoup, on se fait du fun. Ça offre une liberté de penser et de créer; tu réalises ton film, il ne sera peut-être pas parfait, mais tu le fais pour t’amuser. Moi, je vois Vitesse Lumière comme une grosse fête pour ceux qui aiment le fantastique."

AU-DELÀ DU RÉEL

À ce propos, s’il est vrai que l’événement se voulait au départ une source de motivation pour ses amis et lui-même – ce à quoi Ricardo rétorque qu’"effectivement, ça stimule la création" -, Carnior désirait également donner plus de visibilité aux courts métrages de science-fiction et d’horreur qui, à l’époque, lui semblaient négligés. "Aujourd’hui, beaucoup plus de monde en réalise, en diffuse; on sent une sorte de vague pour le genre, observe-t-il. Nos festivals [aussi Fantasia et SPASM] ont prouvé qu’on pouvait faire du film fantastique au Québec." Quant à ceux qui prétendent que ça ne nous appartient pas, il leur répond: "C’est faux, parce que si on regarde le folklore québécois, il y a des diables, des sorcières… Moi, je trouve qu’il s’agit même d’une belle façon de perpétuer le rituel des conteurs avec les technologies d’aujourd’hui. Il ne devrait pas y avoir que du film commercial ou d’auteur; je pense qu’on peut faire de tout. Si on compare le cinéma québécois à un être humain, je considère qu’il est dans son adolescence et, à cet âge, tu cherches, tu essaies des choses; c’est comme ça que tu deviens une personne plus solide."

Ainsi, même s’il croit que "le fantastique est encore un peu boudé par l’industrie", il constate avec bonheur une certaine évolution des perceptions. "Avant, c’était mal vu, mais ça s’améliore. Même que cette année, plusieurs films ont été subventionnés par la SODEC. Avec le temps, je pense qu’on est en train de montrer que c’est viable et que ça peut être intéressant." Reste qu’il demeure délicat d’obtenir du financement pour ce type de productions. "Moi-même, j’ai une idée et, effectivement, j’attends que mon scénario soit solide en crisse avant de le proposer parce que je ne veux pas que le genre du film nuise au projet", confie Ricardo.

RETOUR VERS LE FUTUR

Et pour une femme qui se dédie à l’horreur, "c’est l’horreur!", résume Carnior. Voilà pourquoi il tenait à rendre hommage à Izabel Grondin, une des participants s’étant le plus illustrés au cours des années (le 15). Autrement, nous aurons droit à une programmation gonflée aux stéroïdes avec, comme toujours, les films en compétition, cartes blanches (dont la première du Festival du documenteur), ateliers et Kino Kabaret, mais aussi la performance live de l’inspecteur Bronco (qui promet!) et le long métrage Hunting Grounds d’Éric Bilodeau de Chicoutimi, notamment. Quant à Ricardo, il ignore encore quel rôle exact il aura à jouer, mais a bien l’intention d’en profiter. "Je vais essayer d’avoir un power trip parce que, "président", je ne me suis jamais fait appeler de même. J’ai hâte de voir à qui je vais pouvoir donner des ordres", conclut-il en rigolant.

Du 5 au 15 juin
www.vitesselumiere.org