Apichatpong Weerasethakul : Brefs et mystérieux
Cinéma

Apichatpong Weerasethakul : Brefs et mystérieux

Les courts métrages de Apichatpong Weerasethakul font l’objet d’une rétrospective présentée par la Cinémathèque québécoise.

Cinéaste au parcours inclassable, Apichatpong Weerasethakul jouit d’une réputation internationale intéressante. Respecté par la critique comme par ses pairs, le Thaïlandais faisait partie du jury de la plus récente édition du Festival de Cannes. Chez nous, le réalisateur reste peu connu. Seuls quelques cinéphiles avertis ont pu voir The Adventures of Iron Pussy ou Tropical Malady, projetés au FNC il y a quelques années. Mais, bonne nouvelle, la Cinémathèque québécoise nous propose un cycle de courts métrages – plus un long métrage, très attendu – qui permettra de mieux apprécier la griffe originale de celui qui se fait appeler… Joe.

Voir: La rétrospective Mysterious Objects: The Short Films of Apichatpong Weerasethakul comprend 11 courts métrages moins connus ainsi que le long métrage Syndromes and a Century. Qu’est-ce qu’on peut y voir qui pourrait s’apparenter à une signature?

Apichatpong Weerasethakul: "Ces oeuvres représentent des souvenirs personnels et collectifs. Certaines d’entre elles semblent refléter la réalité alors qu’elles sont le fruit de l’imaginaire, et vice versa. Je pense que, pris globalement, ces courts métrages reflètent en quelque sorte le fonctionnement du cerveau humain. Par ailleurs, on remarquera que j’ai cherché à utiliser divers formats au fil des ans. C’est intéressant de voir comment la technologie a énormément progressé en quelques années."

Quelle part le mystère tient-il dans votre processus créatif?

"Pendant le tournage et le montage, je laisse toujours de la place à l’imprévu, que le décor, l’éclairage, l’équipe ou les comédiens peuvent faire aider à faire surgir à tout moment."

Votre cinéma a tendance à polariser l’opinion, du moins chez nous. Comment expliquez-vous ce type de réaction?

"J’y vois quelque chose de positif. Cela reflète la forte personnalité de mes films."

Comment envisagez-vous l’art du court métrage?

"Avec grande précaution, comme on le ferait en rencontrant un animal étrange."

Qu’est-ce que le court permet, en fait d’expérimentation avec le temps, l’espace et la narration, que le long ne permet pas?

"Le court constitue un rêve plus bref."

Certains de vos courts métrages croisent fiction et documentaire, et votre fascination pour le quotidien, soutiennent certains, est digne d’un anthropologue. Seriez-vous tenté par la forme documentaire?

"Je serais incapable de tourner un documentaire. D’ailleurs, le concept même de "documentaire" n’est que vue de l’esprit, car le film est un médium subjectif. Ce que vous voyez à la chaîne National Geographic ou Discovery n’est que simulation subjective. Même si mes films laissent beaucoup de place à l’interprétation, ils n’en demeurent pas moins extrêmement subjectifs et, par conséquent, jamais ne me viendrait l’idée de réaliser un documentaire rien que pour réaliser un documentaire."

Vous étiez au plus récent Festival de Cannes. À la lumière de ce que vous avez vu, diriez-vous que le septième art est actuellement en bonne santé?

"Si vous voulez une réponse franche, je vous dirai que le cinéma n’est pas particulièrement excitant en ce moment. Sauf peut-être sur le plan de l’avancement technologique. J’ai justement eu une discussion avec Alfonso Cuarón à ce sujet. Il m’a dit que je portais sur les années 1960 et 1970 un regard trop romantique. Il avait peut-être raison. Qui sait s’il ne faudrait pas laisser de côté le passé pour vraiment apprécier le présent."

Du 11 au 18 juin
À la Cinémathèque québécoise