Standard Operating Procedure : Visions d'horreur
Cinéma

Standard Operating Procedure : Visions d’horreur

Dans Standard Operating Procedure, le documentariste Errol Morris remet en contexte les photos du mauvais traitement des prisonniers d’Abou Ghraib qui ont fait le tour du monde.

Dans des cachots insalubres, des hommes sont maltraités, humiliés, déshumanisés. On les empêche de dormir, on les dénude et les ridiculise, on leur couvre la tête avec des sacs ou des sous-vêtements, on leur met une laisse au cou et les traite comme des chiens, on les force à commettre des actes sexuels, on les empile les uns sur les autres…

Sommes-nous dans un donjon pendant l’Inquisition espagnole? Dans un camp de concentration nazi? Dans un goulag stalinien? Non, ces sévices ont été infligés à des détenus irakiens par des soldats américains en poste à la prison d’Abou Ghraib, à l’automne 2003. Alors que les États-Unis se targuent d’être l’ultime bastion de la démocratie et de mener une guerre sans fin aux ennemis de la liberté, ils s’avèrent être eux-mêmes coupables de telles atteintes aux droits humains.

Dans Standard Operating Procedure, Errol Morris retrace la chronologie de ces désolants événements, qui ont été révélés à la face du monde par le biais de photographies plus que compromettantes, prises par les tortionnaires eux-mêmes. Voici peut-être là l’aspect le plus déroutant de toute cette histoire: loin de sembler être conscients qu’ils commettaient des actes criminels, contraires à toutes les conventions internationales quant au traitement des prisonniers, les soldats impliqués se photographiaient entre eux, tout sourire et le pouce en l’air.

À travers son film, Morris tente de découvrir ce qui a pu les pousser à agir ainsi en allant directement à la source, c’est-à-dire en recueillant les témoignages des gardes d’Abou Ghraib, qu’il a presque tous pu interviewer. Ces derniers invoquent notamment le stress d’être en pleine zone de guerre, ainsi que le fait qu’ils ne faisaient souvent que suivre les ordres ou l’exemple de leurs supérieurs. Il faut sûrement aussi prendre en considération que ce n’est pas exactement l’élite qui se retrouve postée en Irak mais, plus souvent qu’autrement, des jeunes gens pauvres et peu éduqués.

Ceci n’excuse évidemment en rien leurs actions, montrées sans équivoque par Morris à travers les infâmes photos et de saisissantes reconstitutions qui s’apparentent souvent à de véritables scènes de film d’horreur, une impression renforcée par la musique de Danny Elfman. Mais on ressort de Standard Operating Procedure avec l’impression que tout ceci n’était que la pointe de l’iceberg…

À voir si vous aimez /
Taxi to the Dark Side d’Alex Gibney, The Fog of War d’Errol Morris, Ghosts of Abu Ghraib de Rory Kennedy