Le Cèdre penché : Là, maintenant
Cinéma

Le Cèdre penché : Là, maintenant

Le Cèdre penché, Prix du public aux RVCQ 2007, est un premier film réalisé avec peu de moyens mais beaucoup d’ardeur par Rafaël Ouellet.

Jean-Luc Godard a déjà dit que tout ce qu’il fallait pour un film, c’est une fille et un fusil. Dans le cas de Rafaël Ouellet, il faudrait modifier légèrement l’affirmation et dire qu’il suffit d’avoir deux filles et deux guitares. "On est parti dans une mini-van avec ma femme Claudie (Bouchard), qui était directrice de production, directrice artistique et qui a aussi fait les sandwichs, coiffé et maquillé les filles, et avec un soundman, l’équipement technique et nos bagages, c’est tout", se rappelle le cinéaste.

Après une dizaine d’années à réaliser des captations de concerts (Our Lady Peace, Avril Lavigne), des séries télé (Le Groulx Luxe) et des courts (Face b, Dans l’est), Ouellet désirait fortement s’attaquer à un premier long métrage. Mais on sait tous qu’obtenir du financement des institutions gouvernementales est un processus des plus fastidieux, alors, inspiré par l’exemple de son ami Denis Côté (un des producteurs du Cèdre penché), il a décidé de se lancer sans attendre dans le tournage d’un film 100 % indépendant.

"J’avais vraiment envie de faire un film, là, maintenant. J’avais vu Viviane (Audet) et Marie Neige (Chatelain) dans un casting, et je trouvais qu’elles se ressemblaient sans se ressembler. Ça m’a fasciné, étant un fan de Bergman et Persona, alors je me suis dit que je ferais un film avec ces deux filles-là. C’est des musiciennes, alors j’ai décidé que ce serait des soeurs qui font de la musique. Je creusais avec les ingrédients que j’avais, puis après c’est un peu des influences, des hasards, des idées…"

Le Cèdre penché est un film qui respire la liberté et la spontanéité, ce qui s’explique notamment par les conditions de tournage, qui se rapprochaient souvent du cinéma direct. "Le contexte de tournage a beaucoup influencé la façon de filmer, ça c’est certain. Pour ce qui est de l’aspect documentaire, je le revendique, mais ce n’était pas nécessairement improvisé. Je savais ce que je voulais qui se dégage de chaque scène, mais je n’avais pas besoin d’orchestrer les déplacements dans l’espace des filles ou de leur dire où regarder quand elles disaient telle phrase. Ce que je voulais, c’était l’émotion de la scène, que je les mette en place ou non pour ça."

Ceci est particulièrement évident pendant la séquence finale du film, alors que les personnages interprétés par Audet et Chatelain se retrouvent en studio pour enregistrer une chanson. "Ce qui m’intéressait à l’origine, c’était de faire un film sur le processus créatif, et on a utilisé le même processus de création pendant le tournage que ce que je montre à l’écran. La séquence en studio, c’est le making of du film."

À cause d’un différend avec l’Union des artistes, la sortie du film se faisait attendre depuis plus d’un an. Entre-temps, le jeune cinéaste a tourné un deuxième long métrage, Derrière moi (qui devrait être lancé cet automne), et on s’est mis à croire que Le Cèdre penché ne prendrait jamais l’affiche. Une entente avec l’UDA est toutefois survenue récemment, permettant au film d’être enfin présenté en salle. "Tout ce que je voulais, c’était qu’il soit vu. J’avais promis aux actrices: "Le film va exister, je vais le faire voir et on va en parler. Je ne peux pas vous garantir qu’il va être bon, mais je peux vous garantir qu’il va vivre." Je suis content d’avoir finalement pu tenir ma promesse", conclut Ouellet.

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LE CÈDRE PENCHÉ

Après le décès de leur mère, chanteuse country de profession, deux soeurs, elles-mêmes musiciennes, reviennent dans le village où elles ont grandi. D’abord distantes, les jeunes femmes se rapprochent tranquillement alors qu’elles décident d’enregistrer une nouvelle version d’une des chansons de leur mère. Doux comme une brise d’été, Le Cèdre penché prouve qu’on n’a pas besoin de millions de dollars et d’un scénario plébiscité par une série de comités de lecture pour faire du cinéma. Ceux qui recherchent une trame narrative précisément définie, des dialogues béton et des images léchées resteront sur leur faim, mais ceux qui sont sensibles aux moments de beauté furtifs et au processus de création musicale seront enchantés. Les touchantes et, avouons-le, extrêmement jolies Viviane Audet et Marie Neige Chatelain contribuent aussi beaucoup à rendre ce premier film de Rafaël Ouellet aussi charmant.