Astérix aux Jeux olympiques : Stéphane et ses Gaulois
Cinéma

Astérix aux Jeux olympiques : Stéphane et ses Gaulois

Astérix aux Jeux olympiques, de Thomas Langmann et Frédéric Forestier, met en scène Stéphane Rousseau dans les braies d’un Gaulois à l’irréductible accent québécois qui a maille à partir avec le Belge Benoît Poelvoorde dans la cuirasse du sombre Brutus.

En juillet, il n’y aura pas que Dany Boon et les Ch’tis (Bienvenue chez les Ch’tis) qui envahiront le Festival du Film de Juste pour rire. En fait, les Gaulois et les Romains s’y feront voir avant de partir à la conquête du Québec puisque c’est à Astérix aux Jeux olympiques que revient l’honneur d’ouvrir ce qu’on appelait encore l’an dernier le festival Comedia.

S’il faut en croire les réalisateurs de la deuxième plus coûteuse méga-production française de toute l’histoire, soit 78 millions d’euros et un budget record de 20 millions d’euros pour le marketing (Le Cinquième Élément de Luc Besson est à ce jour le film français le plus onéreux à 90 millions d’euros), c’est tout à fait par hasard que la bédé de 1968 a vu le jour à quelques mois des Jeux olympiques de Pékin, auxquels ils n’ont même pas pensé faire un clin d’oeil, pas plus qu’aux événements de Mai 68. Parions qu’Uderzo et le regretté Goscinny auraient eu plus de présence d’esprit…

RENDRE À CÉSAR…

Lors de la rencontre avec l’équipe du film, à Paris en janvier, à quelques jours de la sortie sur 900 écrans et des critiques impitoyables envers le film (moins d’un mois après sa sortie, Astérix aux Jeux olympiques avait tout de même cumulé 5,4 millions d’entrées), tout dans l’attitude des deux réalisateurs, Frédéric Forestier et Thomas Langmann, en dévoilait beaucoup sur ce qui s’était passé sur le plateau.

Poli, Stéphane Rousseau explique: "L’un a de l’argent, l’autre pas… Thomas Langmann est à la fois producteur (il possède la maison de production La Petite Reine), réalisateur et scénariste, tandis que Frédéric Forestier est réalisateur. Thomas est très attentionné, plus préoccupé par le jeu des acteurs. Frédéric, c’est le gars de technique, qui prend en charge les cascades. Ce sont deux gars qui se complètent, mais sur le plateau, l’un disait l’inverse de l’autre. On jouait parfois pour les deux, et au montage, c’était la version de Thomas qui était choisie."

Rousseau poursuit: "Thomas est le fils de Claude Berri, mais celui-ci ne s’est pas mêlé de la production. C’est Thomas qui a convaincu Uderzo de faire ce film; il a un énorme pouvoir de persuasion, il a la folie des grandeurs. C’est un visionnaire qui est comme un gamin de 12 ans."

Le turbulent Benoît Poelvoorde lâchera plus tard: "Frédéric, c’était le réalisateur; Thomas donnait des idées. Au fond, nous étions laissés à nous-mêmes puisqu’ils restaient à leur combo."

Dès que Langmann apparaît à la table où l’attendent les journalistes, Forestier, arrivé peu avant, n’a plus vraiment l’occasion de placer un mot. À propos du passage de la bédé à l’écran, Forestier (Le Boulet) aura eu le temps de révéler: "Si nous avions été fidèles à la bédé, le film aurait duré environ 40 minutes. Nous avons donc développé le personnage de Brutus (Poelvoorde), qui n’apparaissait brièvement que dans trois bédés (NDLR: Astérix gladiateur, La Zizanie et, plus substantiellement, Le Fils d’Astérix). Nous voulions le développer à la manière du personnage de Numérobis de Jamel dans Astérix et Obélix: Mission Cléopâtre d’Alain Chabat."

Parlant de cette adaptation délirante, Forestier avouera: "Uderzo n’avait pas aimé certains éléments du deuxième film. Il voulait préserver l’esprit du livre, les anachronismes propres au livre, il n’était pas très exigeant et il s’est montré très ouvert aux propositions."

AMOUR ET SPORT

Outre la place plus importante qu’occupe Brutus, Langmann et ses scénaristes (Olivier Dazat, Alexandre Charlot et Franck Magnier) ont eu l’idée d’inclure une intrigue amoureuse en créant le personnage du Gaulois Alafolix (Rousseau), qui souhaite gagner le coeur d’une princesse grecque: "Alafolix ajoute de l’enthousiasme, apporte de la tendresse, un élément féminin à l’ensemble", croit Forestier.

L’interprète d’Alafolix confie: "Thomas, qui ne voulait pas que je gomme complètement mon accent québécois, bien qu’il ne souhaitait pas faire de clin d’oeil au Québec, m’avait promis d’étoffer le rôle d’Alafolix, ce qu’il n’a pas fait. Je voulais tellement jouer dans ce film que j’aurais joué Idéfix! "T’es un amoureux", qu’il me répétait. Je le voulais attachant et pétillant, mais j’ai dû me retenir pour le jouer naïf et candide, ce qui est correct pour ce genre de personnage."

Pour les besoins de son rôle, celui que les Français surnomment le Brad Pitt québécois ("C’est lui que ça emmerde!" blague Rousseau) a vécu trois journées de stress intense pour une scène où il chantait et interprétait la chanson I’m in Heaven (accompagné par un orchestre symphonique), mais la scène a été coupée au montage. On pourra toutefois le voir danser et chanter dès cet automne dans la comédie romantique Modern Love de Stéphane Kazandjian où il tient l’affiche avec Alexandra Lamy. "Une très belle expérience humaine", glissera l’acteur qui lit beaucoup de scénarios mais reçoit peu d’offres du Québec – "J’ai reçu des offres du Québec, mais ça ressemblait trop à mon rôle dans Les Invasions barbares", confiait-il la semaine dernière.

AVE DELON!

Autour de Stéphane Rousseau et de Benoît Poelvoorde, Langmann et Forestier ont établi un casting assez remarquable – lequel inclut moult people, dont Michael Schumacher, Tony Parker, Amélie Mauresmo et Zinedine Zidane. Fait à remarquer, Christian Clavier ne reprend pas son rôle d’Astérix, mais Gérard Depardieu est toujours présent: "On ne voulait pas d’acteurs avec un mauvais caractère, donnera en guise d’explication Forestier. Thomas tenait à Depardieu, car il est irremplaçable… Toutefois, il était trop habitué à Clavier; Clovis Cornillac, très motivé à jouer Astérix, a fini par convaincre Depardieu de rester."

En répétition au théâtre le jour de la rencontre avec les journalistes, Clovis Cornillac a tout de même tenu à faire une courte conférence de presse: "J’ai découvert Astérix à 25 ans, se remémore l’acteur qui aura bientôt 41 ans. Je n’ai pas vraiment de culture bédé, mais je pense que c’est un chef-d’oeuvre de la bédé. Pour me préparer à jouer Astérix, je n’ai fait que regarder les dessins d’Albert. Je n’arrive pas à travailler de l’extérieur. J’essaie de voir jusqu’où mon imagination et mon corps peuvent me mener. J’ai été saisi par le second degré de la bédé. Je ne travaille pas en me regardant dans le miroir, je lis, je lis et je ferme le livre."

Au générique, on remarque la mention "avec la participation spéciale d’Alain Delon": "On ne peut pas dire non à Delon, dit Forestier. Il ne voulait plus revenir au cinéma, et considérant que de jouer César marquait son retour, il exigeait donc une mention spéciale."

Langmann dévoile: "Delon se voit comme le César du cinéma, il aimait l’idée d’endosser ce rôle à cause de ses enfants. Ç’aurait été une catastrophe s’il avait refusé, car on avait annoncé à Poelvoorde qu’il jouerait son père. Lorsque Delon a vu une photo de Brando en César, il a voulu jouer César. Delon est un acteur traditionnel, qui respecte le texte, il était donc surpris que les autres, dont Benoît Poelvoorde, changent les répliques."

ALAFOLIX VS BRUTUS

Si Stéphane Rousseau affirme qu’il s’est bien entendu avec les Delon ("J’ai su lui parler dès le départ. Le deuxième jour de tournage, Delon s’est appuyé sur mon épaule.") et Depardieu ("Il nous prêtait sa cantine de luxe, plus V.I.P. que ça, tu meurs!"), les propos de Poelvoorde laissent comprendre que celui-ci n’a pas toujours été tendre envers son confrère québécois. La rumeur veut qu’il ait énormément taquiné Rousseau à propos de son accent québécois…

L’acteur belge raconte avec emphase: "Rousseau était toujours heureux sur le plateau. Il est comme mon chien! C’est quelqu’un d’une gentillesse extraordinaire, d’une grande patience. Il ne s’est jamais plaint sur le plateau… il était comme lui (il pointe la photo du regretté Jean-Pierre Cassel dans le rôle de Panoramix). Je salue son courage. Stéphane a beaucoup de mérite d’avoir travaillé avec des Français."

Diplomate, Stéphane Rousseau avait confié peu avant aux journalistes: "Poelvoorde, c’est un génie! Il a improvisé une chanson sur moi. Il est capable d’improviser des envolées hallucinantes. Il est envahissant, dépressif, mais je l’aime quand même. Je ne suis pas conflictuel, je veux être aimé, ç’a toujours été mon problème."

Il semble aussi que Poelvoorde ait eu maille à partir avec Delon pour les raisons expliquées ci-haut: "Je n’ai eu aucun contact avec Delon. Je n’ai rien modifié dans le texte, mais j’ai inventé et improvisé des trucs. Par exemple, c’était mon idée de chanter Besoin de rien, envie de toi. Je l’avoue, beaucoup de grossièretés ont été coupées au montage. Je suis comme ça… J’ai plus de facilité à me promener avec une plume dans le cul plutôt que de mettre la main sur le genou d’une fille. Je n’arriverai jamais à fermer ma gueule. On me donnera un César un jour si je me tais."

L’APRÈS-ASTÉRIX

Au cours de la rencontre parisienne, Stéphane Rousseau a avoué ne pas souffrir du syndrome de l’imposteur et ne pas avoir été paralysé par le "correct sans plus" de Christian Bégin à propos de son interprétation dans Les Invasions barbares. Qu’en est-il aujourd’hui alors qu’Astérix aux Jeux olympiques a été éreinté par la critique française?

Rencontré à Montréal, celui qui rêve d’exploiter son côté sombre dans des rôles à la Edward Norton dans Primal Fear ou à la Daniel Day-Lewis dans There Will Be Blood ("Même si je n’ai pas du tout le casting!") se rappelle: "J’ai douté à la lecture du scénario d’Astérix… C’est difficile de suivre un film-culte comme celui de Chabat. Le film n’est pas mauvais, il tient la route, il est plus familial. Les enfants l’ont adoré. Sept millions de Français l’ont vu, c’est donc un méga-succès. Évidemment, c’est décevant de ne pas être encensé par la critique."

S’il n’a pas récolté d’éloges pour Alafolix, au moins peut-il se targuer de séduire les Français grâce à la scène: "L’humour traverse mal les frontières. En France, je m’en tire bien par mon côté performer. D’ailleurs, je dois préserver l’aspect entertainment à l’américaine si je veux continuer à faire carrière là-bas. J’ai fait une tournée où je jouais dans des stades comme le Zénith de 3000 à 5000 places, c’était génial!"

À propos d’un éventuel nouvel épisode des aventures d’Astérix, Clovis Cornillac avait répondu: "Si le film répond aux attentes, il y aura peut-être une fidélisation. Si le film ne répond pas aux attentes, je serai le premier à vouloir un autre Astérix."

Pourrait-on y voir Rousseau dans la peau d’Alafolix si on le lui demandait? "Ça dépendrait des réalisateurs… Je crois qu’ils sont déjà passés à autre chose…", laisse-t-il tomber. Entre nous, souhaitons-lui des rôles plus étoffés et stimulants…

Les frais de ce voyage ont été payés par Unifrance.