Le Chevalier noir : Du rire aux armes
Cinéma

Le Chevalier noir : Du rire aux armes

Dans Le Chevalier noir, de Chris Nolan, Christian Bale redevient le sombre Batman afin d’affronter le regretté Heath Ledger dans la peau du terrifiant Joker. Une suite très attendue de Batman Begins qui va au-delà du film de super-héros, au dire de ses artisans.

Batman Begins a prouvé hors de tout doute qu’il était possible d’aborder l’expérience humaine tout en ayant comme figure centrale un homme affublé d’oreilles de chauve-souris. Dans Le Chevalier noir, les scènes d’action et les effets spéciaux, pour lesquels l’animation par ordinateur a été utilisée avec modération, servent à illustrer les dilemmes qui nous rongent: le Bien contre le Mal, le devoir contre le désir, l’ordre contre le chaos.

"Batman est un personnage traditionnellement interprété de différentes façons par différents artistes et auteurs qui y ont travaillé durant des années, explique Chris Nolan. De cette façon, il y a une liberté et une attente qui permettent d’y apporter quelque chose de nouveau, une interprétation nouvelle. Je pense que de tous les super-héros, Batman est le plus sombre, d’où l’expectative de traiter de sujets plus dérangeants."

En tant que suite, Le Chevalier noir avait pour tâche de surpasser l’original: "Pour avoir travaillé avec lui trois fois, je sais que Chris n’est pas du genre à s’embarquer dans un film à moins qu’il sente qu’il peut s’améliorer par rapport au premier", explique Christian Bale, l’interprète d’un Batman iconoclaste aux prises avec un Joker assassin dans un récit dont le niveau de profondeur s’éloigne dangereusement des films à gros budgets – on estime celui-ci à 185 M$.

"Je suis allé chez lui afin d’y lire le scénario, poursuit l’acteur, et j’ai vraiment compris qu’il avait fait voler en éclats tous les clichés propres au genre. Il ne s’agissait plus d’un film d’action ni d’un film de super-héros, il s’agissait d’un film qui pouvait se mesurer à tout autre film. Évidemment, nous avions les ressources et le talent pour créer du spectaculaire, des cascades, des explosions et de l’excitation sans pour autant compromettre l’histoire. Les effets spéciaux et les explosions, ça ne vaut rien sauf s’ils sont là pour nourrir le récit."

Bien qu’il ait dû se plier aux critères des films classés 14 ans et plus, Nolan a trouvé sa propre façon d’ébranler les spectateurs: "C’est certain que si vous regardez Batman Returns, avec Danny DeVito en Pingouin mangeant son poisson, avoue le réalisateur, vous y verrez d’extraordinaires images troublantes, mais elles proviennent d’un point de vue surréaliste. Je pense que la façon dont ce film bouleverse diffère. Nous avons essayé de lui donner une mouture plus réaliste et je suppose que c’est pour cela qu’il saisit davantage, dans la mesure où vous pouvez identifier cet univers au monde dans lequel vous vivez."

IN MEMORIAM

Ayant concocté son Joker à partir d’une multitude de références culturelles, Heath Ledger a annoté tout ce que le cinéma a connu comme incarnation du Mal. Dans ce Joker se retrouvent une part d’Alex du film A Clockwork Orange, de Chaplin, de Sid Vicious et des tableaux de Francis Bacon. En fait, la performance de Ledger transcende toute description.

"Les très bons acteurs, comme l’était Heath, semblent voyager à une vitesse subsonique, avance Gary Oldman, l’interprète du commissaire Gordon, contrepoint positif du Joker. À l’occasion, ils traversent le mur du son. Pensons à des interprétations inoubliables comme celles de Nicholson dans One Flew Over the Cuckoo’s Nest et de Pacino dans Dog Day Afternoon, où tous deux semblaient voler. C’est ce qu’a fait Heath ici. Il a syntonisé une station de radio et a obtenu une fréquence qu’aucun d’entre nous ne peut entendre."

Bien que l’intense Joker de Ledger mérite certainement un septième Oscar à titre posthume (le dernier en lice a été remis à Peter Finch pour Network), il faut retenir que ce dernier rôle tiendra lieu de testament pour sa brève et tragique existence, en dépit du fait que son décès en janvier dernier ait pu transformer le film que Nolan avait l’intention de faire.

"Je suis vraiment convaincu que la performance de Heath a été montée exactement comme elle l’aurait été s’il n’était pas mort, confie Nolan. C’était très important pour moi que son jeu soit exactement celui que lui et nous avions en tête. Le regarder construire son personnage, c’était quelque chose de très excitant, de stupéfiant parce que nous observions un acteur créer une présence iconique pour un personnage tout en lui insufflant une humanité. La façon dont il s’y est pris est extraordinairement compliquée, et tout ce qu’il fait, chaque geste, chaque tic facial, chaque inflexion de la voix, nourrit l’essence de ce personnage pétri de pure anarchie et de chaos."

En salle le 18 juillet