Bienvenue chez les Ch’tis / Dany Boon : Le Pagnol du Nord
Cinéma

Bienvenue chez les Ch’tis / Dany Boon : Le Pagnol du Nord

Bienvenue chez les Ch’tis, film au succès phénoménal de Dany Boon, se prépare à débarquer sur nos écrans.

Le jour de l’entrevue, Dany Boon, né Hamidou, venait d’être fait, à l’instar d’Ingrid Betancourt, chevalier de la Légion d’honneur: "Je suis très fier, très flatté et très heureux de faire partie de la promotion du 14 juillet, avouait-il, mais je dois dire que d’avoir été fait officier des Arts et des Lettres (ndlr: le 26 juin dernier) est plus important pour moi."

Plus que de recevoir de tels honneurs, ce qui tenait à coeur à cet humoriste, c’était de faire connaître au grand public son Nord-Pas-de-Calais afin de briser tous les clichés négatifs à son sujet – résumés dans une scène-clé par Michel Galabru. Sortie en France le 27 février, la comédie Bienvenue chez les Ch’tis a fait plus de 20 millions d’entrées, coiffant au poteau La Grande Vadrouille de Gérard Oury (17 millions d’entrées en 1966, année de naissance de Boon). Un succès colossal que le principal intéressé n’arrive pas à expliquer: "Je crois qu’il y a eu un très bon bouche à oreille, avance-t-il modestement. Il n’y a pas de cynisme ni de méchanceté dans mon film. Il y a de la tendresse et des gens proches de la réalité. Les personnages ont des défauts, le mien boit, par exemple. Les gens de ma région sont gentils, accueillants, chaleureux; ils ont un accent dont tous les autres se moquent, ils ont une culture très marquée, tout en étant tournés vers les autres. Je voulais rendre hommage à ma région, rendre justice à ses habitants."

TOUS AU NORD!

Depuis le succès de Bienvenue chez les Ch’tis, beaucoup de Français se sont pris d’affection pour la culture ch’timi ("c’est-i moi?", en patois picard). Ne vous surprenez pas si l’on vous lance un fracassant "Ça va, biloute, han?", lors de votre prochaine visite en France… Par ailleurs, il semble que le Nord-Pas-de-Calais connaisse en ce moment un boom touristique. Cadeau empoisonné pour ses paisibles résidants?

"Dans l’un de mes spectacles, se souvient celui qui campe un facteur naïf vivant chez sa mère (Line Renaud), je suppliais les gens d’aider ma région parce qu’on n’y trouvait personne en juillet et en août. Cet été, à la suite de la parution d’articles, il y a maintenant un tour Bienvenue chez les Ch’tis. J’ai refusé qu’il y en ait un dans ma ville natale parce que ma mère y vit toujours. C’est une belle revanche! Le seul effet pervers, c’est que les gens pas sympas n’auront pas le choix de l’être."

DANY VEBER

Fort d’une première réalisation (La Maison du bonheur) et d’une expérience de storyboarder, Dany Boon a reçu de l’acteur Kad Merad, qui tient le rôle de ce cadre des postes expédié dans le Nord pour avoir tenté d’obtenir frauduleusement une promotion, le surnom de Dany Veber, en référence à Francis Veber, sous la direction duquel il avait tourné La Doublure, en raison de son souci du détail. Ayant en mémoire sa description des personnages que Daniel Auteuil et lui-même incarnaient dans Mon meilleur ami de Patrice Leconte ("Deux solitudes différentes qui vont se montrer leurs faiblesses", nous avait-il dit lors du Festival de Toronto), force est d’établir un lien entre le facteur ch’timi et le cadre sudiste.

"J’ai eu la chance de travailler avec Patrice Leconte et Francis Veber, confie-t-il, deux réalisateurs très différents, qui travaillent très différemment. Veber fait énormément de prises, jusqu’à ce qu’il obtienne vraiment ce qu’il a dans l’oreille; Patrice fait très peu de prises. Ce sont deux grands réalisateurs qui m’ont sûrement influencé dans mon travail. Mon personnage dans Bienvenue chez les Ch’tis est proche de moi; Patrice Leconte m’a proposé de jouer le rôle dans Mon meilleur ami (ndlr: un chauffeur de taxi naïf habitant chez sa mère, décidément!) parce que je suis un peu comme ça. Avec Veber, ce sont en général des personnages assez cons, et je pense qu’il pense que je suis vraiment con! Ce qui, de sa part, est un compliment!"

S’il ignore s’il tournera une suite à son film, la figure de proue de la culture ch’timi annonce fièrement qu’il y aura un remake américain avec Will Smith (si, si, si!) et un remake italien. Avec Nanni Moretti? "J’aimerais bien!" conclut celui qui n’ose répondre par l’affirmative à savoir s’il a l’ambition de devenir au Nord ce que Pagnol fut au Sud.

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LA PETITE SÉDUCTION

Qui pourrait expliquer pourquoi Bienvenue chez les Ch’tis de Dany Boon a séduit plus de 20 millions de Français?

Aurions-nous trop entendu parler de ce deuxième long métrage de Dany Boon (La Maison du bonheur)? Toujours est-il que devant le charme, certes indéniable, de l’ensemble, notre coeur de cinéphile n’a pas vibré autant qu’il l’aurait souhaité. Et pourtant, quelques moments irrésistibles et mémorables, dont la courte mais impayable scène où Michel Galabru énumère les horreurs du Nord et chaque apparition de la divine Line Renaud en mère castratrice, viennent ponctuer Bienvenue chez les Ch’tis. Cependant, ce n’est pas ces brefs moments de pur bonheur qui font du colossal succès du cinéma français un film abouti et de Boon, toujours aussi craquant dans le rôle d’un grand naïf au coeur d’or, un réalisateur accompli.

Ainsi, Bienvenue chez les Ch’tis, dont Boon a pondu le scénario en collaboration avec Franck Magnier et Alexandre Charlot, deux des coscénaristes d’Astérix aux Jeux Olympiques (sans commentaire…), se rapproche davantage d’un épisode pilote d’une sitcom populaire gonflée pour le grand écran que d’une oeuvre cinématographique. Est-ce une bonne raison de bouder son plaisir? Que nenni!

Une fois le choc culturel passé et le patois assimilé – on aura droit à une laborieuse leçon de ch’ti afin d’y arriver -, force est d’admettre que le tandem que forment Kad Merad, pauvre sudiste envoyé à Nord-Pas-de-Calais pour avoir tenté d’obtenir une promotion sur la Côte d’Azur afin de plaire à sa femme dépressive (Zoé Félix), et Dany Boon, employé des postes vivant chez sa mère (Renaud) qui en pince pour une jolie postière (Anne Marivin), fonctionne à merveille. On pourrait même dire que tout le film repose essentiellement sur la chimie opérant entre les deux acteurs-humoristes.

De fait, avec son intrigue plutôt ténue prétexte à vanter les charmes du nord de la France – merci pour les pittoresques cartes postales -, Bienvenue chez les Ch’tis se présente en une suite de saynètes, par moments reliées assez mollement ou sans grande idée de mise en scène, où l’on se plaît à se moquer avec gentillesse, voire de façon inoffensive, des différences culturelles entre le nord et le sud. Malgré tout, le séjour en terre ch’ti nous aura paru sympa et rigolo et les personnages, des plus attachants.

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