Savage Grace : Le charme indiscret de la bourgeoisie
Savage Grace, de Tom Kalin, met en scène les splendeurs et misères d’une riche famille américaine.
Succulente Julianne Moore. Capable de tout. On le sait depuis qu’elle a dévoilé, dans Short Cuts d’Altman, son animal de compagnie préféré – aussi roux que sa flamboyante chevelure… Appréciée des meilleurs, elle a travaillé avec les Daldry, Coen et Haynes. Et quoi encore? Ici, pour Tom Kalin, elle chausse avec panache les escarpins d’une belle américaine aux moeurs dissolues. Juste un autre rôle? Certaines ont rapporté des statuettes à la maison pour moins que ça.
L’affaire commence à New York, en 1946. Barbara Baekeland (Moore, donc) mène une existence oisive, riche en soirées mondaines. L’ex-starlette profite du train de vie généreux de son époux, Brooks Baekeland (Stephen Dillane, efficace), dont le grand-père a fait fortune grâce à l’invention de la bakélite. La naissance d’un fils, Tony (Eddie Redmayne, étincelant), n’a entamé en rien l’appétit social de Barbara. Résigné, Brooks endure en silence.
Cet épisode premier, un peu statique, est suivi de cinq autres, échelonnés sur trois décennies. Le film est relocalisé alors en Europe, où la petite famille Baekeland continue de mener la dolce vita. Mais le couple Barbara-Brooks tangue dangereusement et la relation entre Tony et sa maman prend un tour ambigu.
Bon, on se gardera une petite gêne, mais comprenez que d’autres bouleversements attendent nos protagonistes. La tragédie à venir, capitale, trouve son dénouement dans un épisode final particulièrement dérangeant. Le contraste sévère entre les actes commis, glauques, graves, et le décor "très-comme-il-faut" crée un effet dévastateur. Dommage que pour se rendre là il faille traverser quelques moments mous, lors desquels certains personnages de traverse volent du temps d’écran à Julianne Moore.
Au final, cependant, on ne peut qu’apprécier le travail du réalisateur Tom Kalin (Swoon), qui signe un drame biographique parsemé d’éclairs (de génie), film orageux où la menace d’un ciel noir vient toujours peser sur les lumineuses images du directeur photo, Juan Miguel Azpiroz. Le pari réussi du cinéaste tient cependant à son casting de luxe: Dillane et Redmayne, surtout, entrent dans le jeu superbe de la rousse héroïne. Les deux hommes s’abandonnent sans condition. Et le spectateur succombe à son tour. Délicieuse Julianne Moore. Capable de tout…
À voir si vous aimez /
Julianne Moore, les histoires de moeurs déjantées, les drames biographiques