Import Export : Est Ouest
Cinéma

Import Export : Est Ouest

Import Export, d’Ulrich Seidl, s’attache aux destinées d’une Ukrainienne en Autriche et d’un Autrichien en Ukraine.

"Je n’ai ni message ni morale à livrer; j’aimerais toutefois que l’on se demande si l’absence de liberté et de dignité est acceptable dans notre vie. En fait, je veux vraiment déranger les gens, les irriter d’une manière ou d’une autre, même s’ils en rient", affirmait Ulrich Seidl lors d’une visite à Montréal où son oeuvre était présentée à la Cinémathèque québécoise.

Si l’énoncé date de 2005, il s’applique très bien à Import Export, présenté en 2007 au Festival de Cannes. De fait, à l’instar des précédents films du cinéaste autrichien, ce film de fiction à la jonction du documentaire est à des années lumières de ce qu’on appelle un feel-good movie. Import Export dérange, provoque, bouscule et bouleverse.

Suite de tableaux frontaux d’une effroyable efficacité, Import Export s’attache aux parcours d’Olga (Ekateryna Rak) et de Paul (Paul Hoffman), qui ne se croiseront jamais. La première, infirmière ukrainienne, deviendra femme de ménage dans un hôpital gériatrique en Autriche où elle se butera à la jalousie d’une infirmière (Maria Hoffstäter). Le second, ex-gardien de sécurité autrichien croulant sous les dettes, part en Ukraine avec son beau-père (Herbert Fritsch) pour y installer des machines distributrices.

Ni tendresse ni compassion se retrouvent dans le regard d’entomologiste de Seidl où perce une certaine cruauté, voire du sadisme, et un voyeurisme totalement assumé. L’univers qu’il dépeint n’a rien de beau ni de clément, tout y paraît malsain, misérabiliste et macabre. Si l’ensemble s’avère une remarquable fresque sur la laideur de la société, force est d’admettre que le réalisateur pèche parfois par excès de complaisance.

Ainsi, il pose longuement sa caméra sur ces filles qui se livrent nues dans des poses humiliantes afin de satisfaire les fantasmes des internautes. Baignés de lumière crue, les corps féminins deviennent des objets qu’on regarde avec tristesse. On ressent le même sentiment alors que la caméra s’attarde sur les visages des vieilles dames qui délirent immobiles dans leur lit. À la fin, l’une d’elles ne cessera de répéter "Tot! Tot! Tot!" (La mort! La mort! La mort!), démontrant que dans ce monde sans pitié, la mort se révèle une douce délivrance. Certes, si le cinéma de Seidl n’est pas la tasse de thé de tous, d’aucuns ne pourront dire que celui-ci laisse indifférent, indemne.

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