En plein coeur : Beau bummage
Lancé en compétition officielle au Festival des Films du Monde, En plein coeur, de Stéphane Géhami, est une histoire de crime et de sexe, mais surtout d’amour et d’amitié.
Pour réaliser son premier long métrage, Stéphane Géhami a littéralement investi tout ce qu’il avait. Après avoir essuyé plusieurs refus chez Téléfilm Canada et la SODEC (qui l’ont finalement soutenu, mais seulement à l’étape de la postproduction), il a en effet décidé de se financer lui-même et de tourner exactement le film qu’il voulait, sans faire de concessions.
"Quand tu vends ton condo pour faire un film, tu peux pas commencer à écouter les autres, s’exclame Géhami, rencontré pendant le FFM. Faut bien que tu te fasses plaisir!"
En plein coeur met en vedette Pierre Rivard dans le rôle d’un bum qui va et vient entre le lit de son ancienne blonde (Bénédicte Décary), qu’il n’arrive pas à quitter pour de bon, et celui d’une fille (Julie Deslauriers) dont il s’éprend après avoir tenté de voler sa Jeep avec Jimi (Keven Noël), son jeune complice.
"Au début, se souvient Géhami, c’était vraiment une histoire d’obsession amoureuse; le personnage de Jimi était plus accessoire. Sauf que quand j’écrivais Jimi, ça sortait super facilement… Les filles ne se sont pas effacées, mais elles se sont mises à servir l’histoire entre Benoît et Jimi, qui deviennent comme un père et son fils."
La relation torturée entre Benoît et ses deux amantes occupe tout de même une place importante dans le scénario, que Géhami a écrit avec la collaboration d’Héloïse Masse. "À travers sa sexualité, tu comprends certaines choses à propos de Benoît, explique le réalisateur. La sexualité, c’est comme un miroir des émotions humaines. La façon dont on baise, ça veut dire quelque chose."
Autant dramatiquement que formellement, le film est habité par une urgence palpable. "On a tourné dans 30 lieux de tournage en 21 jours, ça fait que ça "goalait"!" Ceci se traduit notamment par beaucoup de scènes tournées dans un style quasi documentaire, caméra à l’épaule, un choix qui n’était toutefois pas motivé que par la nécessité, assure Géhami: "Le trépied, je suis allergique à ça. Des fois, je le cachais dans le truck pour pas que le caméraman le prenne!"
IMPARFAIT
Lorsqu’il a présenté En plein coeur au FFM, Géhami a mentionné qu’Au clair de la lune, de Marc-André Forcier, était un de ses films préférés. Estime-t-il qu’il y a une parenté entre le film de Forcier et le sien? "Ce qui ressemble peut-être à En plein coeur, c’est la relation d’amitié entre les deux gars. Au clair de la lune, c’est une histoire d’amitié entre Guy L’Écuyer et Michel Côté, dont le personnage est menteur, ratoureux, crosseur… Dans mon film aussi, c’est des personnages qui ne sont pas parfaits."
En effet, Benoît est loin d’être un modèle à suivre, mais il n’est pas entièrement antipathique non plus. "C’est un genre de Félix Leclerc des voleurs de chars, il vole ça au petit bonheur, quand il a besoin d’argent. C’est aussi simple que ça. Puis Benoît, c’est comme tous les êtres humains: il a des zones d’ombre et des zones de lumière. C’est un gars qui est mal dans sa peau, qui ne sait pas ce qu’il veut, mais en même temps, il aime la vie…"
Y a-t-il une part d’autobiographie là-dedans? "Bah, hésite Géhami, j’ai volé une couple de chars quand j’étais plus jeune… Puis le rapport aux femmes et la dépendance affective, c’est des problèmes que j’ai moi aussi, mais c’est pas si pire que ça!"
À voir si vous aimez /
La Rage de l’ange de Dan Bigras, Le Ring d’Anaïs Barbeau-Lavalette
En plein coeur
Un voleur de chars de 32 ans (Pierre Rivard) incapable de se décider entre sa nouvelle blonde (Julie Deslauriers) et son ex (Bénédicte Décary). Son partenaire, un ti-cul de 14 ans (Keven Noël) qui vit seul avec une mère maladivement dépressive (Marie-France Marcotte). Des gens tout croches, qui s’aiment tout croche, dans un film un peu tout croche, lui aussi, avec son scénario tour à tour évasif et appuyé, sa mise en scène souvent approximative et ses acteurs pas toujours convaincants. Traversé d’un humour qui ne semble pas toujours intentionnel et ponctué de scènes de baise parfois plus ou moins nécessaires au récit, ce premier long métrage de Stéphane Géhami n’est clairement pas sans ses défauts. Pourtant, ici et là, certains moments parviennent à nous toucher par la sincérité, l’urgence et l’émotion à fleur de peau qu’on y retrouve.