C'est dur d'être aimé par des cons : Cas de figure
Cinéma

C’est dur d’être aimé par des cons : Cas de figure

C’est dur d’être aimé par des cons, de Daniel Leconte, retrace le procès intenté à Charlie Hebdo pour avoir reproduit des caricatures de Mahomet.

Février 2006. Le journal satirique français Charlie Hebdo fait paraître une douzaine de caricatures représentant le prophète Mahomet, déjà imprimées par la publication danoise Jyllands-Posten. L’affaire fait des vagues au sein des organisations musulmanes hexagonales. Bientôt, Philippe Val, patron de l’irrévérencieux hebdomadaire, devra défendre ses positions en cour. Le procès, qualifié d’historique, soulèvera d’édifiantes questions sur le vivre-ensemble, la liberté d’expression et la nature même de la démocratie. Retour sur images avec le réalisateur Daniel Leconte.

Voir: Il n’existe plus beaucoup de sujets hors limites en information. Or, tout ce qui touche à la "question musulmane" revêt un caractère extrêmement délicat. S’agirait-il là du dernier tabou journalistique?

Daniel Leconte: "Je ne sais pas si c’est le dernier, mais c’est effectivement le grand tabou. Ce qui est beaucoup plus surprenant, c’est que ce tabou vienne des journalistes eux-mêmes. Soit par peur, alors il leur faut choisir un autre métier; soit par ignorance, ce qui signifie qu’ils ne s’y intéressent pas vraiment sur le fond. Je trouve ça irresponsable et extrêmement dangereux."

En cette époque pressée, un dossier chaud chasse l’autre. En revenant sur "l’affaire Charlie Hebdo", votre film a le mérite de ranimer le débat. N’y a-t-il pas risque qu’on repasse à autre chose une fois les projecteurs éteints?

"Si, demain, une bombe explose à Montréal, ce que je ne vous souhaite pas, vous allez voir que ça va revenir très vite. Le meilleur moyen pour éviter que ça se produise, c’est de tricoter la question autrement. De tendre la main à l’immense majorité des musulmans, qui sont des gens qui n’attendent que ce signal pour s’ouvrir au monde dans lequel ils sont et qui, sinon, vont être pris en otages par la minorité qui essaie de les instrumentaliser pour une politique totalitaire."

Les gens de Charlie Hebdo ont décidé d’appréhender le sujet par le biais de la satire. Jusqu’où peut-on pousser l’humour aujourd’hui?

"À mon avis, on peut pousser l’humour jusqu’au domaine qui est limité par la loi. Quand on franchit la limite de la loi, l’humour, comme le reste, est répréhensible. La loi n’est pas politiquement correcte, vous avez compris. La loi, ce n’est pas la pensée unique; la loi, ce n’est pas le conformisme; la loi, c’est la loi. Tant qu’on ne franchit pas ces limites-là, tout est permis."

La loi, cependant, évolue moins rapidement que les valeurs…

"Le procès était justement une façon de faire jurisprudence. Il offre une réponse démocratique à une question qui est contestée. Il permet de dire: si on critique les religions, ça reste dans le domaine de la loi, du vivre-ensemble, en tout cas tel qu’on le conçoit en France depuis des siècles. En revanche, si on s’attaque aux personnes, comme c’est le cas pour l’antisémitisme, on franchit la frontière. Quand on attaque les gens non pour ce qu’ils font, mais pour ce qu’ils sont, ça devient un problème."

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Le documentaire à contenu social, Charlie Hebdo