Dieu a-t-il quitté l'Afrique? : Bâtir ou partir
Cinéma

Dieu a-t-il quitté l’Afrique? : Bâtir ou partir

Dans le cadre des Nouveautés de l’ONF au Saguenay, Musa Dieng Kala viendra présenter lui-même le film Dieu a-t-il quitté l’Afrique?, un rendez-vous bouleversant.

"Kessé que le bonyeu a contre l’Afrique?" demandait Richard Desjardins. On a mis un homme là-dessus. Dans son film présenté dans le cadre des Nouveautés de l’ONF au Saguenay, Musa Dieng Kala s’interroge aussi. Sans apporter de réponse précise à ce questionnement, le réalisateur de Dieu a-t-il quitté l’Afrique?, qui a étudié en cinéma à l’Université du Québec à Chicoutimi, dresse un sombre portrait de la situation de la jeunesse sénégalaise.

L’Afrique n’aura peut-être jamais été aussi noire. Et c’est en Occident que plusieurs milliers de jeunes Africains cherchent la lumière, chaque année. Ils étaient 10 000 en 2005-2006 à choisir l’émigration clandestine, se dirigeant vers leur destin plutôt qu’une destination connue. Lorsque le rêve de se bâtir un pays cède le pas à celui de partir, c’est sans doute que l’espoir est une denrée rare…

Le film présente la petite société du "banc des égarés", où se retrouvent quelques amis que la vie a défaits. Ils sont tailleur, vendeur itinérant, petit producteur. Ils sont main-d’oeuvre pour qui requiert leurs services, prêts à travailler contre quelques dollars. Songeurs, surtout, rêveurs d’un ailleurs qui n’a rien d’exotique. Mais sur le mur où ils s’adossent sous le soleil, juste au-dessus de leurs têtes, le mot Encore, écrit en grosses lettres. Comme la promesse que rien ne pourra changer.

Avec ce documentaire, Musa Dieng Kala montre avec finesse que le problème africain ne résulte pas d’un manque de volonté populaire. Citant Léopold Sédar Senghor, pour qui "il faut assimiler sans se laisser assimiler", il montre avec brio la complexité d’une situation inimaginable chez la plupart des Occidentaux. Pour le réalisateur, c’est aux dirigeants qu’incombe le fardeau de la saignée démographique africaine; il dénoncera sans retenue l’étau qui écrase les rêves de la jeunesse alors que se resserrent les liens entre les intellectuels et la classe politique sous la forte attraction du modèle occidental, faisant fi de l’histoire et de l’identité sénégalaises.

Pendant ce temps, d’autres jeunes sans-papiers s’embarqueront dans les pirogues incertaines, jouets fragiles ballottés par l’humeur intempestive de la mer. Ils s’y entasseront comme jadis leurs ancêtres dans les négriers pour servir l’économie occidentale, au prix de leur sueur ou de leur sang, et verront s’éteindre parfois brusquement leurs plus vibrants espoirs.

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