Le Tueur : La mort en sursis
Cinéma

Le Tueur : La mort en sursis

Dans Le Tueur, de Cédric Anger, Grégoire Colin incarne un assassin las de son quotidien macabre.

Acteur fétiche de Claire Denis, qui l’a dirigé dans six de ses films (US Go Home, Nénette et Boni, Beau Travail, Vendredi soir, L’Intrus et 35 rhums, qui devrait prendre l’affiche en 2009), Grégoire Colin entretient aussi depuis quelques années une collaboration fructueuse avec le cinéaste Cédric Anger. Ayant joué dans la première réalisation de ce dernier, le court métrage Novela, Colin a par la suite été impliqué dès le départ dans le développement du premier long métrage d’Anger, Le Tueur.

"Je n’ai pas collaboré directement à l’écriture, mais Cédric et moi avons eu de nombreuses discussions autour du personnage", résume le comédien, rencontré l’été dernier lors du festival Fantasia, où le film était présenté en première nord-américaine.

Pour Colin, le fait de pouvoir ainsi réfléchir au rôle avant de commencer à tourner le film a été un cadeau du ciel: "Heureusement que ce n’est pas un film qui m’est arrivé dans les mains comme ça, un mois ou deux avant le tournage, confie l’acteur. C’est une figure classique du cinéma, le tueur, mais pour moi, ce n’était pas si évident d’y croire. Donner la mort en échange d’argent, c’est tellement énorme, c’est presque absurde… Ce n’est pas une chose simple à interpréter parce que, hors d’un cinéma de genre où les figures sont très stylisées et où on n’est pas obligé de se poser des questions, c’est difficile de le fixer dans une certaine réalité."

Afin de rendre leur personnage crédible, Anger et Colin l’ont délesté de la flamboyance qui caractérise généralement les tueurs au cinéma, en faisant un être taciturne, discret, voire anonyme. Bref, tout le contraire de Chow Yun-Fat dans The Killer, John Travolta et Samuel L. Jackson dans Pulp Fiction ou Javier Bardem dans No Country for Old Men. "C’est un personnage qui a l’habitude de se cacher, explique Colin. C’est quelqu’un qui essaie de ne pas du tout se faire remarquer. L’idée de mon travail, c’était que ce ne soit pas un type trop banal, car il faut quand même qu’on y croie que c’est un tueur; mais en même temps, il devait n’avoir l’air de rien. Ce qui crée parfois des situations où ce personnage a l’air juste un peu décalé, un peu bizarre."

Le tueur interprété par Colin est par ailleurs habité par un désir tangible d’échapper à son quotidien macabre, ce qui est toutefois plus simple à dire qu’à faire. "On sent dans ce personnage la volonté de sortir de ce milieu, confirme le comédien. Mais ce n’est pas facile, sortir d’une vie dans laquelle on se sent prisonnier… À moins de décider carrément de tout quitter et de partir vivre dans le Grand Nord du Canada, par exemple!"

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LE TUEUR

Lorsque sa tête est mise à prix, Léo Zimmerman (Gilbert Melki), un homme d’affaires apparemment sans histoire, décide de proposer un étrange marché au tueur (Grégoire Colin): non pas de lui laisser la vie sauve, mais simplement de lui accorder quelques jours pour mettre de l’ordre dans sa vie… Cédric Anger fait des débuts prometteurs derrière la caméra avec ce polar mélancolique et déroutant, où la tension sourde prime sur les coups d’éclat. Film d’atmosphère aux images froides et au rythme délibéré, Le Tueur est par ailleurs porté par un magnifique duo d’acteurs, qui ont chacun une présence qui contraste de façon fascinante avec celle de l’autre. Dans un rôle de soutien, Mélanie Laurent (qu’on verra prochainement chez Tarantino) fait aussi bonne figure.