Depuis plus de 40 ans, l’oeuvre du cinéaste tchèque Jirí Menzel est étroitement liée à celle de son compatriote écrivain Bohumil Hrabal. De La Mort de monsieur Balthazar à Alouettes, le fil à la patte en passant par Trains étroitement surveillés (Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1968), Menzel est régulièrement retourné aux écrits de Hrabal afin d’y trouver l’inspiration. Adapté d’un roman de Hrabal datant de 1971, Moi qui ai servi le roi d’Angleterre n’en est que le plus récent exemple.

Le récit débute à l’orée des années 1960, alors qu’un homme recouvre sa liberté après 15 ans dans une "maison de redressement" communiste et s’installe dans un village en ruines, où il tente de se refaire une vie. Puis, à travers une série de flashbacks prolongés débutant vers 1930, on découvre le même homme, Jan (Ivan Barnev), à un plus jeune âge, alors qu’il ne rêve que de devenir millionnaire. Aussi naïf qu’ambitieux, il parvient lentement mais sûrement à améliorer sa situation sociale, passant de vendeur de saucisses ambulant à serveur dans un petit bistro, pour ensuite se retrouver à l’emploi d’hôtels et de restaurants de plus en plus prestigieux…

Menzel pose un regard férocement satirique sur l’opulence du Prague de l’entre-deux-guerres, qu’il dépeint comme le terrain de jeu décadent de vieux riches qui passent leur temps à s’empiffrer, à batifoler avec de jolies demoiselles dévêtues et à se disputer la moindre pièce de monnaie trouvée par terre. Gourmandise, luxure, avarice: presque tous les péchés capitaux y passent!

Pendant ce temps, Jan, une figure quasi muette qu’aurait pu interpréter Charlie Chaplin, court après les pourboires et les opportunités de gravir les échelons, ce qui donne lieu à nombre de situations amusantes s’appuyant souvent sur l’humour physique, mais aussi une bonne dose de fantaisie et un brin de poésie.

Le don que le jeune homme a pour être à la bonne place au bon moment et côtoyer les élites se retourne toutefois contre lui lorsque l’Allemagne de Hitler annexe la Tchécoslovaquie et que Jan se retrouve à collaborer avec les nazis. Par le fait même, le ton du film s’assombrit quelque peu, mais s’accroche néanmoins à une certaine désinvolture irrévérencieuse, et on en sort avec le sourire.

À voir si vous aimez /
Trains étroitement surveillés de Jirí Menzel, Amarcord de Federico Fellini, les films de Charlie Chaplin