image+nation : Pas comme les autres
Le 21e Festival de cinéma LGBT de Montréal, image+nation, se poursuit jusqu’au 30 novembre. Voyons si les organisateurs ont gardé quelques morceaux de choix pour la fin.
BE LIKE OTHERS
Aussi dérangeant que nécessaire, ce documentaire de l’États-Unienne Tanaz Eshaghian nous entraîne dans la clinique du Dr Mehrjalali, un chirurgien iranien, spécialiste des changements de sexe. En Iran, ces opérations sont non seulement légales, mais encouragées par un état religieux qui condamne l’homosexualité. Voir des hommes se résoudre à une intervention aussi radicale, une épreuve qu’ils n’ont pas du tout envie de subir, tout ça parce que la loi musulmane considère l’homosexualité comme un crime, voilà qui est extrêmement troublant. Pour mettre notre vie de Nord-Américain en perspective, difficile de faire mieux.
THE UNIVERSE OF KEITH HARING
Le documentaire de Christina Clausen avait été présenté au dernier FIFA. Il s’agit d’un portrait fouillé de cet artiste majeur que le sida nous a enlevé en 1990. Il est ici question de sa vie personnelle, mais surtout de son combat pour que tous les êtres humains de la planète se sentent concernés par l’art. En ce sens, son engagement était total, sa persévérance, admirable, son énergie, inouïe. Avec des images d’archives (où apparaissent Grace Jones, Madonna, Paradise Garage, Andy Warhol et d’autres) et des séquences d’entrevues avec le créateur, mais aussi avec sa famille et ses amis, la cinéaste, dont c’est le premier film, rend un superbe hommage à l’inventeur de l’art urbain primitif.
WERE THE WORLD MINE
Bardé de prix, le film de l’États-Unien Tom Gustafson est une relecture du Songe d’une nuit d’été, la pièce féérique de Shakespeare. Cette fois, le philtre d’amour de Puck permet à Timothy (Tanner Cohen, craquant et doté d’une voix d’or qui n’est pas sans rappeler celle de Jim Sturgess), seul élève gai d’une classe de garçons "virils" et adeptes de rugby, de briser l’homophobie ambiante. Recruté par une excentrique professeure d’art dramatique (Wendy Robie) pour jouer le premier rôle, Timothy s’évade dans des fantasmes meublés de numéros musicaux qui mettent en vedette l’objet de son amour, le plus beau gars de la classe (Nathaniel David Becker). Ce n’est peut-être pas la grande comédie musicale que l’on attendait, le Moulin rouge! gai dont on rêve, mais c’est définitivement un pas dans la bonne direction.
THE NEW TWENTY
Heureusement, le film de clôture est un peu plus enthousiasmant que le film d’ouverture. Dans son premier long métrage, Chris Mason Johnson explore les relations interpersonnelles d’un groupe d’amis gais et hétéros de New York. Dans la fin vingtaine, d’origines culturelles et sociales diverses, ils cherchent un sens à leur vie qui ne soit pas nécessairement lié à l’argent. Soyons clair, ce n’est pas tout à fait St. Elmo’s Fire, mais la détresse de certains personnages sonne vrai.
NÉS EN 68
Les Français Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le tandem à qui l’on doit notamment Crustacés et coquillages et Drôle de Félix, sont de retour avec un film bien maladroit. Ce que Sa raison d’être, de Renaud Bertrand, fait avec doigté, ce film le fait sans nuances, sans profondeur. L’action nous entraîne du printemps 68 jusqu’à l’élection de Sarkozy, en passant par Peyrefitte, la chute du mur de Berlin, la naissance d’ACT-UP et l’extension du PACS aux couples de même sexe. L’idée de base: illustrer comment l’esprit de 1968 s’est exprimé dans les actions de chaque génération. Choisir le militantisme, l’esprit révolutionnaire comme fil conducteur, l’idée était plus que bonne. Dommage que le long métrage de 167 minutes ne prenne jamais son envol. Dans les rôles principaux, Laetitia Casta, Yann Trégouët et Yannick Renier.
DANS LA COURSE
Le jury de la 21e édition du Festival image+nation aura la lourde tâche de remettre des récompenses dans les catégories meilleur long métrage, meilleur documentaire et meilleur court métrage. Les membres du jury sont Michaela Pnacekova (programmatrice du Czech Gay & Lesbian Film Festival), Mathieu Chantelois (rédacteur en chef du magazine Famous Québec) et Karina Mariano (cofondatrice du Festival de films underground de Montréal).
TROP GAI POUR CERTAINS?
Les organisatrices d’image+nation auraient bien voulu que le plus récent film de Gus Van Sant, Milk, une oeuvre écrite et réalisée par des gais et portant sur un homme gai qui a consacré sa vie à faire reconnaître les droits des gais, figure à programmation du 21e Festival image+nation. Imaginez leur surprise lorsque le distributeur du film leur a répondu: "Votre festival ne s’inscrit pas dans notre stratégie entourant la sortie du film." Dans la brochure du Festival, Charlie Boudreau et Katharine Setzer écrivent: "Nous ne pouvons considérer cela que comme un manque de respect flagrant à l’égard de notre communauté et de nos auditoires. En plus d’être le type de film idéal à présenter dans le cadre de notre festival, ce titre ne devrait-il pas apparaître sur notre marquise en raison même de ce que représente l’homme à qui il rend hommage? Notre dollar rose est-il seulement apprécié à condition de ne pas trop insister sur notre histoire et notre culture? Vingt et un ans après ses débuts, image+nation est-il trop gai pour ce film gai?" Qu’en pensez-vous? Disons que la question se pose!