Home : Bunker
Dans Home, d’Ursula Meier, Olivier Gourmet incarne le père d’une famille vivant en bordure d’une autoroute.
Acteur fétiche des frères Dardenne, figure de plus en plus incontournable du cinéma français, l’acteur belge Olivier Gourmet a certainement du flair lorsque vient le temps de s’atteler à la lecture d’un scénario. Lors de son passage à Montréal, l’acteur s’en défendait modestement: "Ce que Congorama de Philippe Falardeau et Home d’Ursula Meier ont en commun, c’est le fait d’être aussi singuliers l’un que l’autre et c’est ce qui fait leur richesse. Plus encore que la nouveauté, ce qui est important, c’est le fond, le sujet, de quoi ça parle humainement, que les personnages aient une vraie fibre humaine, soit dans la noirceur, soit dans le bonheur. En plus de leur singularité, qui fait la marque des auteurs, ces deux films comportaient cela, mais tous les scénarios que je tourne n’ont pas cette particularité."
Pour les besoins de ce scénario "qui ne ressemble à rien", au dire de Gourmet, l’équipe du film s’est déplacée en Bulgarie – Meier aurait aussi envisagé de tourner au Québec – pour deux mois en pleine canicule, où l’on a fait construire une maison en bordure de l’autoroute. Dans cette maison aux allures de bunker, résident en marge de la société un couple (Gourmet et Isabelle Huppert) et ses trois enfants (Adélaïde Leroux, vue dans Flandres de Bruno Dumont, Madeleine Budd et le jeune Kacey Mottet Klein).
"Ce film est une fable qui pose cette question: vaut-il mieux vivre dans le monde ou à l’écart du monde? explique Gourmet. En résistant à l’immersion dans le monde, cette famille s’isole davantage, et ça, c’est à cause de la mère incapable de vivre ailleurs. Avec Ursula, on a imaginé que tous deux se connaissaient depuis des années, qu’ils avaient vécu dans des milieux underground, qu’ils avaient peut-être été dans la drogue, elle plus que lui, et que c’est lui qui l’aurait sauvée; c’est pour cela qu’ils se sont construit un monde en marge de la société… mais peuvent-ils vraiment s’y épanouir?"
À voir si vous aimez /
Underground d’Emir Kusturica, Week-end de Jean-Luc Godard
HOME
Home pourrait se dérouler dans un bled perdu d’Amérique ou d’Europe tant la réalisatrice Ursula Meier a su créer avec efficacité un univers sans repères, un no man’s land où il semble faire bon vivre malgré le fragile équilibre de la mère (Isabelle Huppert, à fleur de peau).
C’est d’ailleurs ce parti pris qui donne toute sa dimension universelle à cette irrésistible fable sociale aux accents surréalistes sur l’isolement, de même que son allure joyeusement absurde et décalée. Un décalage qui se fera de plus en plus dérangeant, inquiétant, écrasant, à mesure que la circulation envahira l’autoroute et que le père (Olivier Gourmet, solide) déjantera doucement.
Dès lors, le spectateur n’aura d’autre choix que d’être au diapason des personnages, souffrant des bruits assourdissants des véhicules et de l’impression de suffocation émanant de Home. Une expérience organique et claustrophobique à ne pas rater.