Derrière moi : L'une contre l'autre
Cinéma

Derrière moi : L’une contre l’autre

Dans Derrière moi, de Rafaël Ouellet, une escorte provoque la fin de l’innocence d’une adolescente.

Après avoir réalisé un premier long métrage, Le Cèdre penché, avec les moyens du bord, Rafaël Ouellet a bénéficié de subventions de la SODEC et de Téléfilm Canada et de conditions de tournage professionnelles pour son deuxième, Derrière moi. L’expérience fut-elle concluante? "Oui…, hésite le cinéaste dégelisien, mais je ne m’aventurerais plus dans un budget comme ça [500 000 $, ndlr]. Je préfère avoir cinq mille ou un million. L’entre-deux est bien dur à gérer, ce n’est pas un budget confortable. Mais ça a permis que tout le monde soit bien payé."

Présenté en 2008 aux festivals de Toronto et de San Sebastián ainsi qu’au FNC, Derrière moi suit les traces de Betty (Carina Caputo), une escorte qui se rend dans un village et y fait la rencontre de Léa (Charlotte Legault), une adolescente qu’elle initiera à l’alcool, aux drogues et aux garçons. Ce dont la jeune fille ne se doute pas, c’est que sa nouvelle amie a des plans bien précis pour elle…

"Je n’ai pas voulu faire un pamphlet, assure Ouellet, mais il y a quand même un côté mise en garde dans le film. Si quelqu’un essaie de t’étourdir, il y a peut-être des raisons pour lesquelles il veut que tu sois étourdi. Et le fossé n’est jamais bien loin; ça prend juste un faux pas, une mauvaise décision… C’est ça qui arrive à Léa. En moins d’une semaine, elle prend toutes les mauvaises décisions qui vont la mener non seulement à la perte de son innocence, mais probablement aussi à celle de son avenir."

Une des choses qui rendent le tout aussi bouleversant est que l’actrice interprétant Léa est vraiment une adolescente et paraît aussi pure et innocente que son personnage au début du récit. "J’ai rencontré 40 Léa avant de choisir Charlotte, se rappelle le réalisateur. Je les ai rencontrées, les filles de 20 ans qui peuvent jouer 14… Mais avec Charlotte, ça paraît qu’elle n’a jamais mis les pieds dans un bar, jamais fumé une cigarette, jamais même embrassé un gars. Une vraie nervosité est là quand elle joue ces scènes-là, et moi je trouve que ça n’a pas de prix, ce petit côté documentaire qui finit par imprégner la fiction."

Pour mettre en images cette histoire d’amitié et de trahison, Ouellet a choisi d’expérimenter diverses approches visuelles, jouant avec les atmosphères et adoptant souvent des angles inusités. "Je suis bien fier du look du film, de tout le côté ambiant, qui est aussi dû à la musique et au montage. J’en suis à un point où je me sens un peu insécure de jouer dans un style visuel unique. Faut que ça bouge, faut que ça se promène… J’ai fait beaucoup de télévision live [notamment à MusiquePlus, ndlr], alors quand vient le temps de tourner, mon instinct me sert beaucoup sur le moment. Je vois vraiment le cinéma comme un laboratoire, quand j’écris, quand je tourne et quand je monte."

À voir si vous aimez /
Le Cèdre penché de Rafaël Ouellet, Fucking Åmål de Lukas Moodysson, Thirteen de Catherine Hardwicke

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DERRIÈRE MOI

Lorsqu’une naïve adolescente (Charlotte Legault, touchante) habitant un village en région éloignée entre dans l’orbite d’une délurée jeune femme (Carina Caputo, troublante) de Montréal, l’attraction des plaisirs interdits devient rapidement néfaste… Disposant de plus de moyens que pour son premier long métrage, le charmant Le Cèdre penché, Rafaël Ouellet confirme ici son grand talent pour la composition visuelle, la peinture d’un milieu et le jumelage d’actrices à la fois dépareillées et complémentaires. L’intrigue est toutefois un peu trop relâchée, bien que les thèmes abordés (la fin de l’innocence, la crise d’identité des jeunes filles, l’abus de confiance) frappent et portent à la réflexion.