Demain : Seule
Demain est le premier long métrage de Maxime Giroux, réalisateur ayant récolté une quinzaine de prix prestigieux pour ses trois courts métrages.
Ce qui frappe chez les cinéastes de la génération montante, les Stéphane Lafleur, Denis Côté et Rafaël Ouellet, c’est l’économie de mots, comme si ces réalisateurs en avaient marre du bavardage, des réflexions, des élucubrations, préférant laisser parler le silence. "Cela s’explique par plusieurs facteurs, avance Maxime Giroux. Nous sommes une collectivité qui s’exprime difficilement. Denys Arcand est un intellectuel, il est donc normal que ses personnages parlent aussi aisément. Je crois aussi que ma génération veut se différencier de la télé qui, bien qu’on la dise maintenant "cinématographique", demeure très bavarde. À preuve, au Québec, on ne dit pas qu’on regarde la télé, mais bien qu’on l’écoute."
Coécrit avec Alexandre Laferrière ("Sans lui, je n’aurais pas fait ce film", assure Giroux), Demain illustre le quotidien morne d’une jeune femme qui se consacre au bien-être de son père alcoolique et diabétique tout en poursuivant une difficile relation avec un travailleur de la construction sans ambition.
Bénéficiant de la photo de Sara Mishara, à qui l’on doit celle de Continental, un film sans fusil, Demain partage avec ce film de Stéphane Lafleur un rythme lent, un souci du détail, une certaine tendresse à décrire la vie des petites gens: "Mon film est une réaction à la vie super-frénétique que l’on vit, explique celui dont le prochain long métrage sera produit par François Delisle. Chaque jour, nous consommons quantité d’images rapides et je trouve ça triste. Moi, je veux me battre contre ça, j’ai envie de voir des films à vitesse humaine."
Quant à son personnage féminin, Maxime Giroux le décrit ainsi: "Sophie n’est pas une loser, c’est une battante. On fait peu de films sur les gens qui continuent leur vie sans bataille; je me suis intéressé à la façon dont on peut vivre sans but, sauf celui d’être heureux sans péter les plombs. Je voulais aussi parler du fait que tout ce que nous faisons entraîne des conséquences, notre génération ne voit pas nécessairement celles-ci."
Enfin, sur sa vision du monde, le cinéaste conclut: "Globalement, le monde ne va pas très bien; je ne dis pas que ma vision est réelle, je reconnais qu’elle peut sembler extrême… mais Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain l’était aussi."
À voir si vous aimez
Les Jours et Le Rouge au sol de Maxime Giroux, Lost Song de Rodrigue Jean, Continental, un film sans fusil de Stéphane Lafleur
DEMAIN
L’héroïne que nous propose Maxime Giroux n’a rien de flamboyant. Prise entre un père irresponsable (Serge Houde) et un amant indifférent (Guillaume Beauregard, chanteur des Vulgaires Machins pour qui le réalisateur a notamment signé le clip de Compter les corps), Sophie (Eugénie Beaudry) avance dans la vie sur la pointe des pieds, en faisant abnégation de soi. De même, l’univers qu’il dépeint n’a rien de spectaculaire. On pourrait même dire qu’il ne se passe rien dans Demain. Et pourtant, à l’aide d’images et de cadrages soignés, lesquels extirpent de la banalité ambiante un semblant de beauté, Giroux signe par touches délicates un portrait juste et amer d’une génération qui se cherche.