Le Plaisir de chanter : Faux accords
Dans Le Plaisir de chanter, d’Ilan Duran Cohen, l’insaisissable Jeanne Balibar incarne une naïve veuve en danger.
Actrice énigmatique s’il en est, Jeanne Balibar paraît toujours avancer sur le fil du rasoir, qu’on la rencontre chez Assayas, Audiard ou Rivette: "Je crois que c’est ce que j’ai envie de raconter: la fragilité des choses et des gens. Ce qui m’a beaucoup amusée dans ce film, c’est qu’il y avait vraiment une grande légèreté, même dans la structure du tournage puisqu’on a tourné en équipe légère pendant trois semaines", avouait-elle lors des Rendez-vous d’Unifrance à Paris.
Dans Le Plaisir de chanter, c’est avec une aisance remarquable qu’elle se glisse dans la peau de Constance, veuve d’un trafiquant d’uranium. Avant de mourir, celui-ci lui a remis une clé USB que deux agents secrets convoitent. Naïve, Constance ne se rend pas compte que parmi les élèves de son cours de chant lyrique se trouvent des êtres mal intentionnés souhaitant également mettre la main sur ladite clé.
"Ilan Duran Cohen m’a dit qu’il avait écrit avec son scénariste (ndlr: Philippe Lasry) un rôle de naïve pour moi parce qu’ils avaient envie de me voir comme ça. Je ne sais plus pourquoi ils en avaient envie, mais ils ont eu raison parce que ça me correspond très bien. La naïveté est une de mes caractéristiques", lance Balibar non sans rire.
Lorsqu’on lui demande si ce trait de caractère lui nuit ou la sert, elle répond avec l’air d’une gamine prise en faute: "D’un côté, ça me nuit parce que j’ai des réactions idiotes; de l’autre, ça me sert parce que pour croire à tout ce qu’on fait comme il faut faire quand on joue, il faut être un peu naïf. Il faut être très naïf pour prendre au sérieux cette grande comédie du cinéma."
Ayant débuté sa carrière d’actrice à 23 ans, Jeanne Balibar s’est intéressée au chant vers l’âge de 28 ans; elle a d’ailleurs enregistré deux CD (Paramour et Slalom Dame). Pour les besoins du film, elle a renoué avec la rigoureuse discipline qu’est le chant lyrique: "Il y a beaucoup de disciplines qui ne sont pas du tout si rigoureuses qu’on le dit. Je crois qu’on fait croire que ça l’est pour empêcher les autres d’en faire", conclut celle qui attend que le hasard décide si elle incarnera le rôle qui semble écrit pour elle, celui de Barbara.
Les frais du voyage à Paris ont été payés par Unifrance.
À voir si vous aimez /
La Confusion des genres d’Ilan Duran Cohen, le chant lyrique
LE PLAISIR DE CHANTER
"Culotté" est sans doute le premier adjectif qui viendra à l’esprit des spectateurs en voyant cette comédie d’espionnage où Ilan Duran Cohen s’amuse à déshabiller ses acteurs au gré de scènes salaces et à les faire chanter, le point de rencontre de leurs personnages étant le salon d’une professeure de chant (Evelyne Kirschenbaum). Avec à l’avant-plan deux agents secrets névrosés, dont l’une (Marina Foïs) ne pense qu’au cul de l’autre (Lorànt Deutsch), qui doivent récupérer la clé USB ayant appartenu à un trafiquant d’uranium, Le Plaisir de chanter s’éloigne parfois trop longtemps de son intrigue policière, somme toute peu palpitante, pour se concentrer sur les angoisses de vieillir des protagonistes, tous délicieusement interprétés de façon décalée. Au milieu de ce drôle d’objet filmique, Jeanne Balibar brille d’une grâce aérienne.