El Nido Vacio : À la dérive
Cinéma

El Nido Vacio : À la dérive

Dans El Nido Vacio, le cinéaste argentin Daniel Burman s’intéresse aux angoisses existentielles d’un écrivain.

Rencontré à Festivalissimo, dont El Nido Vacio était le film d’ouverture, Daniel Burman, souriant et généreux, semblait visiblement éreinté par un après-midi d’entrevues sans interprète: "Ces festivals sont de magnifiques fenêtres, qui permettent à des réalisateurs de plusieurs pays de se faire connaître, mais d’une façon encadrée. Les gens qui viennent voir nos films sont avertis de ce qu’ils vont y trouver et ils sont ouverts à l’idée de découvrir des films différents."

Celui qui s’est vu attribuer le Grand Prix du jury au Festival de Berlin, en 2004, pour El Abrazo Partido (Lost Embrace) propose cette fois-ci une réflexion sur le rôle de l’homme dans la cellule familiale, selon le point de vue d’un père de famille qui assiste avec appréhension aux départs précipités de ses enfants.

"La seule façon, pour le personnage de Leonardo, d’échapper au fatalisme de l’existence, explique le réalisateur, c’est de mentir à la réalité, de se laisser porter vers l’autre monde, celui de ses fantasmes. Un peu comme moi, qui ai trouvé le cinéma pour m’échapper de mon univers, Leonardo trouve la voie de sa survie, et cela passe par l’irréel, par l’onirisme, par la fabulation."

"L’image de l’homme et de la femme qui flottent sur la mer est venue très rapidement au scénario, poursuit Burman, en parlant de l’une des images les plus puissantes du film. Je crois que c’est une métaphore extrêmement forte de ce qu’est le mariage, pour Leonardo et Martha, à ce moment de leur relation; ils flottent, comme à l’abandon, mais en surface, et en surface seulement. Cette idée de flottement représente bien l’état des différentes relations qui s’établissent dans le film."

On comprend que le hasard fait bien les choses, et qu’il y a effectivement plusieurs raisons qui expliquent son séjour à Montréal, lorsqu’il nous parle ensuite de son prochain projet: "Il sera tourné en Argentine et au Québec. Je dois d’ailleurs me rendre demain sur un lieu de tournage potentiel situé à Québec, au Parc de la Chute-Montmorency. Le film posera principalement comme question: combien de fois peut-on reporter à plus tard la décision de refaire sa vie?"

Daniel Burman pose cette question comme s’il en connaissait déjà la réponse. Gageons qu’il en a déjà au moins une vague intuition.

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La Science des rêves de Michel Gondry, Lost in Translation de Sofia Coppola, Hannah and Her Sisters de Woody Allen

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EL NIDO VACIO

Célèbre écrivain argentin, Leonardo (Oscar Martinez, sublime) craint avec une certaine amertume le départ prochain de la maison de ses trois enfants. Sachant que sa relation avec Martha (Cecilia Roth, exquise) s’en ressentira nécessairement, l’auteur se laisse aller lentement à la dérive, réagissant ainsi maladroitement à une situation qui n’est pas encore tout à fait irréversible… Daniel Burman traite avec finesse et sensibilité un sujet délicat et universel, qu’il aborde par la fantaisie et la douceur, se donnant ainsi plus de liberté pour construire un récit parfaitement adulte. Si cette image de deux corps flottant à la dérive nous hante encore après le visionnement du film, c’est que le cinéaste aura une fois de plus réussi à saisir un questionnement évanescent de notre époque, pour en faire une oeuvre accomplie et raffinée, parfaitement maîtrisée.