Entre les murs : Joli chaos
Avec Entre les murs, récipiendaire de la Palme d’or, Laurent Cantet s’inspire du roman de François Bégaudeau afin de s’immiscer discrètement dans une classe peu reposante.
S’étant classé dans la compétition du Festival de Cannes à la dernière minute, Entre les murs de Laurent Cantet, d’après le roman de l’ex-enseignant François Bégaudeau, ne semblait pas destiné à connaître une carrière internationale. "Je pense que personne n’attendait ce film, se souvient le cinéaste. On le voyait plutôt comme un bouche-trou. On le percevait également comme une oeuvre expérimentale, avec des acteurs non professionnels. Tout le monde avait vaguement entendu parler des ateliers avec les élèves, ce qui a donné une image marginale au film. Au bout du compte, je crois que c’est ce qui nous a servis."
De toute évidence puisque le jury, présidé par Sean Penn, a décerné la Palme d’or à Entre les murs. Réunie sur scène, l’admirable distribution multiethnique d’Entre les murs formait un émouvant et magnifique portrait de famille. Une belle façon de clore cette grande célébration du 7e art.
Laurent Cantet poursuit: "J’ignorais si le film serait réussi, mais ce que je savais, c’est que le film me portait. Il y avait ce plaisir à être là, à le faire, à écouter ces jeunes durant ces ateliers de trois heures chaque mercredi. J’étais vraiment le spectateur, et parfois j’en arrivais même à oublier que j’avais des choses à leur proposer. J’avais vraiment le sentiment qu’il y avait une densité qu’on ne pouvait pas soupçonner au départ, car on pouvait avoir le sentiment de délayer dans l’improvisation."
Bien qu’il relate des situations difficiles, telle la menace d’expulsion de l’école et, pis encore, du pays, Entre les murs n’est pas alarmiste. "Certains ont vu le film de manière très pessimiste, alors ça me fait plaisir que d’autres me disent qu’il leur a redonné envie de vivre, qu’il leur fait penser qu’ils auraient dû être profs."
De même, l’image qu’il donne des adolescents s’éloigne des clichés négatifs trop souvent véhiculés: "En France aussi, les ados ont mauvaise presse, parce qu’ils sont dans une tranche d’âge stigmatisée; on a peur de leur énergie, de leur immaturité. Moi, ça me touche car dans cette immaturité, on sent la pensée en train de se mettre en place. François Bégaudeau était un prof intéressant et c’est pour cela que j’ai eu envie d’adapter son bouquin, parce qu’il permet cet épanouissement des jeunes… même si, parfois, on préférerait qu’ils se taisent."
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