L’Emmerdeur : Merde alors!
Dans L’Emmerdeur, remake de Francis Veber du classique d’Édouard Molinaro, Patrick Timsit et Richard Berry reprennent les rôles de Jacques Brel et Lino Ventura.
Trente-cinq ans après avoir scénarisé L’Emmerdeur d’Édouard Molinaro, d’après sa pièce Le Contrat, et trois ans après avoir transposé sur scène le film original, Francis Veber a voulu faire revivre Ralph Milan et son personnage fétiche François Pignon dans une nouvelle mouture au grand écran. Pour les rôles principaux, il a fait appel au même tandem qu’il a dirigé au théâtre, Patrick Timsit et Richard Berry.
Premier constat: ce récit du tueur à gages qui se retrouve avec un amoureux éconduit suicidaire sur les bras a bien mal vieilli. Pis encore, les efforts de Veber pour moderniser son Emmerdeur se révèlent plutôt désolants. Ce n’est pas en glissant Facebook dans une réplique et en munissant les protagonistes d’un portable qu’on se modernise… Pas plus qu’en faisant vomir la cible du tueur (le vénérable Michel Aumont perdu dans cette galère) sur ses protecteurs. Et que dire des ajouts de personnages – tel ce couple en scooter – qui n’amènent absolument rien au bon déroulement de l’intrigue?
Deuxième constat: l’humour de Veber est bien vieillot. Ainsi, de faire passer, aux yeux du garçon d’étage (Laurent Paolini, affecté), les personnages pour des homosexuels en les présentant dans des positions compromettantes, ça fait encore rire quelqu’un? C’est dommage que Veber, qui s’est donné la peine de transformer Pignon en photographe, de vendeur de chemises qu’il était, n’ait pas su exploiter ce terreau fertile qu’est la critique de la presse.
Du côté des personnages, si Jacques Brel s’avérait naïf et attachant à souhait chez Molinaro, on ne peut en dire autant de Timsit, dont le Pignon apparaît comme un exécrable dépendant affectif doublé d’un redoutable manipulateur. Une chose est sûre, on comprend un peu mieux pourquoi sa femme (Virginie Ledoyen, peu expressive) l’a plaqué pour son psychiatre (Pascal Elbé, peu sympathique). À plusieurs reprises, on aurait envie de défenestrer Pignon tant Timsit en fait des tonnes auprès d’un Berry qui tire élégamment son épingle du jeu – bien qu’il n’ait rien de la prestance ni le stoïcisme de l’inoubliable Lino Ventura.
Enfin, alors que Molinaro signait une réalisation vivante et bien rythmée, Veber se contente d’une plate mise en scène qui fait ressembler le tout à du théâtre filmé. L’heure de la retraite aurait-elle sonné?
À voir si vous aimez /
Buddy Buddy de Billy Wilder, La Doublure de Francis Veber, Quasimodo d’El Paris de Patrick Timsit