Un trou dans le temps : Dedans/dehors
Avec Un trou dans le temps, Catherine Proulx signe un premier documentaire ambitieux sur la condition carcérale.
Ils sont six, tous condamnés à des peines lourdes et emprisonnés, pour certains à vie, entre les murs du pénitencier de Sainte-Anne-des-Plaines. À leur demande, Catherine Proulx est allée les rencontrer et a plongé avec eux dans le quotidien de la vie carcérale. Elle en tire un documentaire singulier et sensible, à mille lieux des poncifs misérabilistes ou du sensationnalisme habituellement rattachés à la thématique.
"Ces hommes ont déjà été jugés. J’ai choisi de ne pas leur refaire un procès, explique la réalisatrice. J’ai plutôt cherché à savoir ce qu’ils vivaient, à comprendre leur quotidien." On se balade, donc, de Michel à Ziad, et de Ziad à Léo, de la salle de gym à la cantine, jusqu’au parloir, en passant par la promenade, désertée. Des extraits d’entrevues entrecoupés de plans fixes, sur les couloirs blancs, les néons, les caméras de surveillance, les cellules, les fouilles à nu. Et pas un mot de trop: la réalisatrice a eu l’intelligence de ne pas alourdir le propos par un commentaire inutile. Les propos des détenus, livrés face à la caméra, disent assez de l’enfermement, de la vie réduite à une succession sans fin de gestes automatiques. Du regret, aussi, et de la lucidité qui a eu le temps de s’installer: "On est tous là pour les mêmes raisons", lance l’un d’entre eux. Comme un seul homme, privés d’identité.
Là réside la première force du documentaire, une représentation simple de la condition carcérale: la privation de la liberté. Et son corollaire: la solitude, la coupure d’avec les autres, et d’avec la vie extérieure, une inconnue qui devient pour la plupart plus effrayante que la prison elle-même. Au point de revenir, comme Michel, libéré après 29 ans de prison, fébrile comme un gosse le jour du départ. On apprend qu’il est retourné, trois mois plus tard, entre ces murs "protecteurs".
Et puis il y a le bruit. Celui des portes, qui se ferment lourdement sur le restant d’intimité des prisonniers. Celui des néons, des roues de chariots; le son métallique, omniprésent, qui tranche avec le silence presque angoissant du dehors, et rappelle aux détenus leur condition particulière. Un trou dans le temps…
À voir si vous aimez /
L’Amour en pen de Manon Barbeau, Hôtel particulier de Thierry Michel