Il Divo : La loi du silence
Cinéma

Il Divo : La loi du silence

Il Divo, de Paolo Sorrentino, prix du Jury à Cannes l’an dernier, s’intéresse au gérontocrate Giulio Andreotti, nommé sénateur à vie en 1991.

Qui est donc Giulio Andreotti? Sept fois président du Conseil et 25 fois ministre, celui qui fut notamment surnommé le Joli Petit-Bossu a été accusé du meurtre du journaliste Mino Pecorelli et d’être de connivence avec la Mafia. Malgré ces lourdes accusations, l’homme, hanté par l’assassinat par les Brigades rouges d’Aldo Moro (Paolo Graziosi) avec qui il fut l’une des principales figures de la démocratie chrétienne, s’en est tiré et fait toujours de la politique active.

Jouissif dès les premières répliques, assassines, et les premières images, dynamitées, Il Divo de Paolo Sorrentino n’offre certes pas un portrait tendre du politicien, dépeint comme une étrange créature nocturne: "Je ne voulais pas donner dans le burlesque ni le grotesque, mais bien dans le réalisme. Parfois les gens qui ne sont pas drôles font rire par leurs agissements", révèle Sorrentino, joint au téléphone en Italie.

En fait, on imagine très mal qu’un biopic aussi corrosif puisse être fait de ce côté-ci de l’Atlantique. Pourtant, s’il faut en croire le cinéaste, hormis la grande difficulté d’obtenir du financement – n’est-ce pas le propre d’un lot de réalisateurs? -, peu d’obstacles se sont dressés en cours de route. Qu’en a pensé le principal intéressé?

"Je sais qu’il était très fâché lors de la scène de confession face caméra, avoue le réalisateur, et qu’il a souri devant la scène où sa femme Livia (ndlr: interprétée par Anna Bonaiuto) et lui écoutent une chanson de Renato Zero à la télé. C’est étrange qu’il se soit comporté ainsi, lui qui est d’un naturel très calme et non émotif."

Vu récemment dans Gomorra de Matteo Garrone, Toni Servillo n’a guère le physique de l’emploi; toutefois, Sorrentino a eu du flair, car la transformation est absolument saisissante. "J’ai rencontré Andreotti à 10 heures le matin; les rideaux étaient tirés, la pièce était sombre. Je dois dire que j’ai trouvé qu’il avait quelque chose d’un vampire. Il était impossible de trouver un acteur ressemblant à Giulio Andreotti, donc pour moi, l’idée était de trouver le meilleur acteur qui soit. Le rôle était exigeant puisqu’il implique d’être peu expressif, comme une machine, un robot. Je savais que Toni, avec qui j’avais tourné Les Conséquences de l’amour et L’Ami de la famille, serait parfait", conclut Sorrentino.

À voir si vous aimez /
Il Caimano de Nanni Moretti, Citizen Kane d’Orson Welles, Reservoir Dogs de Quentin Tarantino

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IL DIVO

Avec son montage musclé, ses plans recherchés, son ambiance insolite, sa bande sonore farfelue (on passe de Fauré à Trio, en passant par la pop sirupeuse italienne) et ses répliques assassines, Il Divo de Paolo Sorrentino évoque Tarantino et les Sopranos dans sa façon de dépeindre avec un humour noir un milieu corrompu, celui du gérontocrate Giulio Andreotti (extraordinaire et méconnaissable Toni Servillo). S’il fait penser au Nosferatu de Murnau dans sa façon de cadrer et d’éclairer son personnage central, Sorrentino rappelle par son utilisation judicieuse de la contre-plongée et de la profondeur de champ pas moins que le Citizen Kane de Welles. Avis: renseignez-vous un peu sur la politique italienne avant la projection, car dès les premiers plans, ce biopic explosif balance à la gueule énormément d’info.