Chéri : La maman et la putain
Cinéma

Chéri : La maman et la putain

Dans Chéri, de Stephen Frears d’après les romans de Colette, Michelle Pfeiffer incarne une courtisane en fin de carrière.

Bien que cette énième adaptation des romans de la divine Colette (Chéri, La Fin de Chéri) marque les retrouvailles du réalisateur Stephen Frears, du scénariste Christopher Hampton et de la délicate interprète de la présidente de Tourvel Michelle Pfeiffer, le résultat peut sembler de prime abord plutôt mièvre à côté de l’impeccable adaptation du roman épistolaire de Laclos, Les Liaisons dangereuses. Qui plus est, Frears y offre un clin d’oeil émouvant en guise de dernier plan…

Certes, si l’on ne retiendra pas Chéri comme un incontournable dans la filmographie de Frears, force est d’admettre que celui-ci nous aura fait passer de délicieux moments. Bénéficiant de la photographie inspirée des tableaux de Mucha de Darius Khondji (complice des Jeunet, Fincher et Wong Kar-wai) et de la direction artistique raffinée de Denis Schnegg (Happy-Go-Lucky), Chéri s’avère un véritable ravissement pour tout amateur de l’Art nouveau et de la mode de la Belle Époque – il faut voir les chapeaux époustouflants de la Pfeiffer!

Cependant, il ne faudrait pas réduire Chéri à un joli défilé de mode, car sous les froufrous et le maquillage se cache le drame prenant d’une femme qui hésite à dire adieu à sa jeunesse – mais n’est-ce pas le drame de tous et toutes? Courtisane en fin de carrière, Léa (Pfeiffer) se paiera le luxe d’une dernière liaison avec le jeune Chéri (Rupert Friend, parfait en éphèbe sans consistance), fils d’une ex-courtisane (Kathy Bates, truculente) qui cherche à le faire épouser une oie blanche bien nantie.

Avec finesse, Hampton a su préserver l’essence des exquis (et parfois assassins) mots d’esprit de Colette dans la langue de Shakespeare, tandis que Frears s’est fait discret derrière la caméra, laissant les acteurs se délecter de ces perles où l’humour sert de baume au drame existentiel des personnages oisifs. À notre plus grand plaisir, Frears se fait également le narrateur amusé et implacable de leurs petites mésaventures et grandes tragédies.

Au sommet de son art et affichant avec élégance la soie fanée de ses paupières – pour paraphraser Colette -, Michelle Pfeiffer incarne une Léa avec un parfait mélange de grâce et de gravité. Quel dommage que tant d’actrices (et acteurs!) refusant de vieillir passent sous le bistouri et deviennent ainsi de pathétiques caricatures de leur jeunesse.

À voir si vous aimez /
Chéri de Pierre Billon, Pride & Prejudice de Joe Wright, Vanity Fair de Mira Nair