O'Horten : …et après?
Cinéma

O’Horten : …et après?

Dans O’Horten, du cinéaste norvégien Bent Hamer, un cheminot ne fera plus jamais "tchou-tchou"!

Un train s’évade dans les montagnes, traverse d’interminables plaines enneigées, s’enfonce dans d’étranges tunnels qui le recouvrent, l’absorbent, l’avalent totalement. Silence. Méditation. Transition. Au loin, un atome devient lueur, puis certitude. La noirceur s’éclipse au profit de la lumière, et de ce qu’il reste à vivre, et de ce qu’il y a à espérer encore de ces deux rails qui s’évadent bien en avant, qui courent bien au loin devant, loin devant.

Depuis plus de 40 ans, Odd Horten (excellent Baard Owe) est aux commandes du train fantôme de sa vie, qui a filé toujours entre Oslo et Bergen, et toujours en suivant les voies réconfortantes qui, de A à B, le ramenaient toujours à A, ou à B. Maintenant âgé de 65 ans, le cheminot doit prendre sa retraite, et… et après? Voilà la question qui frappe de plein fouet l’homme habitué à un certain usage du monde, et qui se retrouve d’un coup impuissant, inutile, perdu. Par nécessité beaucoup plus que par volonté, Horten s’extirpe des sentiers battus et se laisse porter comme ça, sans ardeur mais avec beaucoup de candeur, vers demain, et les jours de suite.

O’Horten est ainsi le résultat de ce pacte implicite avec la bonne fortune que signe Horten les yeux fermés, en toute bonne foi. Et de cette façon débute une exploration nouvelle, dépourvue totalement d’a priori, dans laquelle se chevauchent des situations exotiques où le drame mineur et la tiédeur émotionnelle transcendent des situations faussement comiques dans lesquelles, toujours, se cache une sensibilité exacerbée d’une déférence exemplaire envers l’homme, et sa détresse.

Le cinéaste Brent Hamer (Factotum, Kitchen Stories), qui avait présenté son film à Cannes, l’année dernière, dans la catégorie Un certain regard, propose avec celui-ci une expérience englobante, envahissante, qui exacerbe d’abord ses moyens d’expression – et à l’image (superbe direction photo, direction artistique à point), et au son (grande proximité dans le son, musique remarquable) – pour mieux affirmer à la suite ses ambitions esthétisantes, qui prennent à bras-le-corps le spectateur pour le mieux transporter ailleurs. En peu de mots, le cinéma se charge du reste. D’ailleurs, les mots apparaissent ici comme encombrants, même lorsqu’ils sont nécessaires. En cela, O’Horten est une grande réussite, une véritable berceuse filmique pour les cinéphiles nostalgiques… de grand cinéma.

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