De père en flic : Papa n'a pas toujours raison
Cinéma

De père en flic : Papa n’a pas toujours raison

Dans De père en flic, comédie policière d’Émile Gaudreault, Michel Côté et Louis-José Houde partagent avec bonheur le haut de l’affiche, tandis que leurs personnages se retrouvent, à leur corps défendant, en thérapie père-fils au coeur de la forêt.

Policier et tireur d’élite, Marc Laroche (Louis-José Houde) aurait tout pour réussir et être heureux si ce n’était du fait que sa copine et consoeur (Caroline Dhavernas) vient de le larguer sous prétexte qu’il n’a pas assez de viande et que son meilleur ami (Hubert Proulx) s’est fait kidnapper par les motards à la suite d’une opération ayant échoué par sa faute.

Pour ajouter à ses malheurs, il s’entend comme chien et chat avec son supérieur immédiat qui n’est nul autre que son père, le super-policier Jacques Laroche (Michel Côté). Afin de pouvoir s’approcher de l’avocat du motard Mononc’ Tardif (Jean-Michel Anctil), Me Charles Bérubé (Rémy Girard), parti suivre une thérapie avec son fils suicidaire (Patrick Drolet) en pleine forêt, Marc et Jacques devront eux aussi goûter à la médecine d’un psychologue aux méthodes peu orthodoxes (Robin Aubert).

C’est en voyant un documentaire où l’on montrait des pères et leurs fils suivre une thérapie dans le bois que le réalisateur et scénariste Émile Gaudreault (Mambo Italiano, Surviving My Mother) a eu l’idée d’écrire De père en flic.

"Je me suis dit: "Mon Dieu que ça ferait une bonne comédie!" se rappelle-t-il. En faisant des recherches sur Internet, j’ai découvert qu’il existait plein de groupes comme ça; parfois, ce sont des groupes religieux, des groupes d’activités, comme l’escalade, etc. Je découvrais qu’il y avait un mouvement qui n’avait jamais été traité au cinéma. J’avais envie de faire une comédie québécoise en français, et ce documentaire, que j’avais trouvé saisissant, me parlait."

Gaudreault poursuit: "J’ai fait un brainstorming de personnages et tout d’un coup, sont arrivés les policiers père et fils. J’ai ainsi trouvé mes principaux protagonistes. J’ai eu l’idée d’une comédie policière où l’on enverrait ces deux-là infiltrer de force un tel groupe."

Tiens donc, une comédie policière mettant en scène un tandem dépareillé… N’est-ce pas mettre la barre haut avec tout le succès que le film d’Érik Canuel a remporté? "Le succès de Bon Cop, Bad Cop ne m’inquiète pas. J’ai 45 ans, je suis plus relaxe, je suis dans la création au quotidien. Je n’ai pas de contrôle là-dessus", assure le réalisateur, sourire serein aux lèvres.

COMMENT SURVIVRE À SON PÈRE

Après avoir écrit un synopsis d’une douzaine de pages, Gaudreault l’a refilé au scénariste Ian Lauzon (La Job): "C’était très stimulant parce qu’avec un sujet jamais abordé au cinéma, affirme le réalisateur, on se retrouve avec plein de scènes qui n’ont jamais été faites. Comme le concept était fort, ça nous a donné, à Ian et à moi, un kick d’écriture exaltant et exigeant. Je ne suis pas mystique, mais pour moi, un scénario, c’est une matière vivante, c’est organique. Au moment où on invente la première partie, le reste en découle organiquement. On ne peut pas faire n’importe quoi parce qu’on a installé le ton, les idées. C’est la même chose pour le montage, il faut être à l’écoute du film. C’est un travail constant pour moi de sortir de l’analyse pour me laisser guider par l’instinct, sinon ça devient mathématique, sec."

Afin d’incarner Jacques et Marc Laroche, les deux scénaristes avaient en tête un acteur chevronné, aussi comblé par le cinéma que la scène (le spectacle Broue roule sa bosse depuis 30 ans), et un jeune humoriste ayant notamment comme fait d’armes un caméo mémorable dans la comédie précédemment citée: "Ian et moi avons écrit les personnages en pensant à Michel et à Louis-José. C’était la première fois que je faisais cela."

"Jacques, c’est un héros avec plein de défauts. On pourrait dire qu’il est un antihéros, avance Côté. C’est un papa convaincu d’une chose: comme il a très bien réussi dans son métier en étant élevé à coups de pied dans le cul, du moins avec de la discipline et à coups de "un gars, ça pleure pas", il se dit que ça marchera aussi pour son fils Marc. Moi, je crois qu’un garçon sera plus heureux si on l’encourage plutôt que de l’écraser. Jacques est un héros dans la police, mais comme papa, il ne l’est pas du tout. Au début, on pense même qu’il sera antipathique, jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’il aime son fils. Au fond, c’est exactement le même genre de bonhomme que Gervais dans C.R.A.Z.Y."

"J’étais très flatté qu’on pense à moi, mais lorsque j’ai lu le scénario, je me suis dit que plusieurs acteurs pouvaient jouer ce rôle, raconte Louis-José Houde. Toutefois, la rencontre entre Michel et moi, je l’ai comprise tout de suite parce que je trouve qu’il y a une certaine ressemblance entre nous. Je me suis rendu compte que le scénario avait été écrit pour moi au niveau des répliques."

À tel point que certaines de ces répliques semblent avoir été improvisées par les deux acteurs: "Il y a eu très peu d’improvisation, jure Gaudreault, tout était très écrit car en comédie, le timing est très important. Avoir eu une dizaine de jours de tournage de plus, on aurait pu se permettre de le faire."

Michel Côté enchaîne: "Il n’y a pas plus sérieux comme travail que la comédie car tout est question de timing, tout est à la virgule près. Tout le monde a l’air d’accord lorsqu’on dit ça, pourtant on n’aura jamais de mention honorable dans des galas. C’est dégueulasse parce que tout le monde aime les comédies. Les box-offices sont hallucinants, mais ça ne fait pas sérieux de remettre un prix à une comédie plutôt qu’à un drame sombre où l’acteur s’est arraché pour faire pleurer le public – et pourtant, c’est plus difficile de faire rire que de faire pleurer. La comédie fait appel à toutes sortes de références, mais on n’a pas le temps d’analyser une blague avant de la comprendre et de la rire, c’est pour cela qu’une blague ne fait jamais l’unanimité."

L’APPEL DE LA NATURE

"Avec Ian, confesse Émile Gaudreault, on avait le goût d’aller un peu plus dans l’émotion vers la fin. Il y avait une complexité d’écriture, mais ça nous tentait d’y aller et d’ainsi montrer des gars qui se parlent de choses qui ne sont pas drôles. Le pari, c’est de savoir si les gens le prendront au sérieux ou non."

Perdus dans la nature, les mâles que met en scène Gaudreault n’ont d’autre choix que de se rapprocher les uns des autres: "La forêt nous confronte à nos ancêtres, explique-t-il. J’ai l’impression que, surtout pour les hommes, ça nous ramène à notre instinct de chasseur. C’est sans doute à la fois bouleversant et apaisant. L’idée de ces excursions, c’est de ramener l’homme à son côté mâle, primitif. Sans doute que si les personnages avaient été féminins, ils seraient allés dans un tout-compris."

"C’est une idée de la femme de Charles Bérubé (Sylvie Boucher) qui veut sauver son fils en l’envoyant avec son père en thérapie, rappelle Michel Côté. Ni Charles ni mon personnage n’auraient pensé à cela. D’ailleurs, Rémy me racontait qu’avec son père, il ne parlait jamais des vraies affaires. La seule chose qui les sauvait, c’était d’aller à la pêche où le fait d’être ensemble dans un canot sans se parler, afin de ne pas effrayer les poissons, les branchait sur le même projet. La nature a sûrement ce pouvoir surnaturel de rapprocher les gens. J’encourage tous les papas et les mamans à aller faire du camping avec leurs enfants, à se réunir autour d’un feu, sans téléphone ni ordinateur, afin de se rapprocher d’eux."

DE LA SCÈNE À L’ÉCRAN

Rompu au rythme frénétique de la scène et de la tournée qu’il adore, Louis-José Houde a dû composer avec celui d’un plateau de cinéma. L’humoriste confie: "Au début, c’était extrêmement frustrant; les deux premières semaines, j’ai eu beaucoup de difficulté parce que je cours des 100 mètres dans la vie. Toute ma journée repose sur le fait que je dois être drôle entre 20 h et 22 h. C’est court et intense, disons. Tourner un film, c’est comme un marathon. Je devenais impatient, comme quelqu’un qui fait une crise d’angoisse. Puis, mon corps s’est habitué à ce rythme-là."

"Louis-José a un talent hallucinant, c’est un génie de la comédie, lance Émile Gaudreault. Il est arrivé sur le plateau très humble, très à l’écoute des autres, mais avec la force d’un gars qui est capable de tenir dans sa main 6000 spectateurs pendant deux heures au Centre Bell. Il lui a fallu canaliser cette énergie-là pour la caméra. Deux jours plus tard, c’était réglé."

Michel Côté, qui a été très paternel avec Houde au dire du réalisateur, renchérit: "Lorsque tu es bien encadré au cinéma, il n’y a pas de problème. Louis-José est tellement intelligent qu’il a vite compris comment ça marchait et on l’a mis tout de suite à l’aise. On a désamorcé le tout en disant qu’on ne faisait pas du cinéma avec un grand C, mais qu’on était des petits gars qui s’amusaient. Louis-José, c’est une machine, un perfectionniste."

De lancer le principal intéressé, qui rêve de tourner un film par année sans pour autant quitter la scène: "Honnêtement, je m’en crisse vaguement de ma situation d’humoriste qui travaille avec de grands acteurs. Ce n’est pas que je sois quelqu’un de confiant, c’est juste que je vis à 100 milles à l’heure… C’est vrai que j’ai eu des prédécesseurs comme Patrick Huard, Stéphane Rousseau et Michel Barrette, mais si je me trouve mauvais dans une scène, ce n’est pas parce que je suis humoriste. Sur le plateau, jamais je ne pensais à ma carrière de scène. Pour moi, être un acteur comique se marie bien à être un acteur de cinéma."

Et de conclure Émile Gaudreault: "Lorsqu’on regarde l’histoire du cinéma, on comprend que Charlie Chaplin était un humoriste, un gars de burlesque qui répétait ses films sur scène; que Woody Allen était un stand-up; que Coluche et Valérie Lemercier ont gagné des César. Chez nous, on oublie que Jean Lapointe, un grand acteur, était un Jérola. Dans ma jeunesse, j’étais humoriste mais je n’étais pas une bête de scène comme Louis-José. Le Groupe Sanguin s’est séparé lorsque j’avais 26 ans; j’ai beaucoup appris en regardant travailler Dany Turcotte et Marie-Lise Pilote. Ma passion, c’était le cinéma; tout de suite après la séparation du Groupe Sanguin, je me suis lancé dans l’écriture de Louis 19. J’en suis à mon quatrième film et je n’en reviens pas!"