Ennemis publics : Fais-moi mal, Johnny
Ennemis publics, de Michael Mann, relate la chasse à l’homme à laquelle se livra le FBI pour mettre la main au collet du truand John Dillinger.
Ce n’est pas d’hier que le cinéma fait la part belle aux truands. À preuve, dans les années 1930, l’acteur James Cagney faisait les délices des spectateurs dans The Public Enemy et Al Capone en personne visitait le plateau de Scarface de Howard Hawks. À la même époque, John Dillinger, lui-même star des bandits en raison de ses spectaculaires évasions de prison, se délectait de films de gangsters, lesquels lui ont inspiré les mouvements lestes qu’il avait lors de ses célèbres braquages, d’où son surnom de Jack Rabbit.
Quelle idée de revenir sur les derniers jours de Dillinger, à qui plusieurs films, dont ceux de 1945 et de 1973, tous deux titrés Dillinger, ont été consacrés? Sans doute pour raconter le plus fidèlement possible les circonstances entourant sa mort – la rumeur voulait que l’homme aurait vécu jusque dans les années 1970 – en s’appuyant sur les dossiers du FBI.
Les truands, Michael Mann connaît bien. C’est donc dire qu’on s’attendait à beaucoup du réalisateur de Tension et de Collatéral. Hélas, bien vite, on se rend compte que Ennemis publics s’intéresse peu à ses personnages et, malgré les décors, costumes et automobiles minutieusement choisis, à l’époque qu’il décrit, soit la Grande Dépression. Bien qu’il s’attarde aux visages de ses acteurs, impassibles pour la plupart, Mann les maintient très souvent à distance, donnant du coup l’impression de dépeindre froidement deux clans opposés.
Évidemment, on peut saluer son parti pris de ne pas ériger en valeureux héros irréprochables l’agent du FBI Melvin Purvis (Christian Bale) de même que J. Edgar Hoover (Billy Crudup). On appréciera aussi l’illustration des techniques d’espionnage de l’époque. Toutefois, on aura souhaité qu’il creuse un peu plus le personnage de Dillinger qu’incarne Johnny Depp avec sobriété et, surtout, celui de sa petite amie Billie Fréchette (Marion Cotillard, à peine plus présente que dans la bande annonce) afin que l’on comprenne mieux l’attachement qu’ils avaient l’un pour l’autre.
Évitant in extremis de faire de Dillinger un héros bêtement romantique, laissant ce sale boulot au compositeur Elliot Goldenthal qui signe une trame sonore pompière, Michael Mann n’arrive cependant pas à rendre ce jeu du chat et de la souris palpitant et ce, malgré l’habileté avec laquelle il raconte ce récit sanglant et violent.
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