The Timekeeper (L'Heure de vérité) : Le pacte des loups
Cinéma

The Timekeeper (L’Heure de vérité) : Le pacte des loups

The Timekeeper (L’Heure de vérité), de Louis Bélanger, d’après le roman de Trevor Ferguson, nous transporte aux Territoires du Nord-Ouest, en 1964, où des hommes doivent construire 52 milles de chemin de fer en 52 jours.

Rencontré à quelques jours de la première de Mort de peine, sa première mise en scène pour le théâtre (voir le texte de Christian Saint-Pierre dans la section Scène), Louis Bélanger semble fébrile à l’idée de repartir pour Kamouraska où il tournera Demande à ceux qui restent, road movie co-écrit avec Alexis Martin et mettant en vedette l’auteur de Matroni et moi ainsi que François Papineau. Toutefois, cela ne l’empêche pas de défendre avec passion son nouveau film, lequel a vu sa sortie reportée d’une année en raison de la faillite du distributeur Christal Films.

Au dire du réalisateur de Post Mortem, l’aventure de ce premier long métrage tourné en anglais remonte au jour où Robert Morin lui offre La Vie aventureuse d’un drôle de moineau, roman du Montréalais d’adoption Trevor Ferguson. Par la suite, Bélanger lit Onyx John, puis, des producteurs britanniques lui proposent de tourner La Ville de glace, publié par Ferguson sous le pseudonyme de John Farrow. Trouvant le scénario "massacré à la sauce hollywoodienne", Bélanger refuse le projet. Morin lui affirme alors de ne pas s’en faire puisque le meilleur roman de Ferguson est L’Heure de vérité (The Timekeeper).

Alors que Louis Bélanger vient de terminer Gaz Bar Blues, le producteur Réal Chabot lui annonce qu’il a acheté les droits dudit roman: "Je voyais des corrélations entre les deux, le verbe y est vivant. Dans le premier, ce sont des hommes qui se rencontrent pour placoter; dans le second, ce sont des hommes dans le bois qui savent utiliser le verbe."

Écrit en collaboration avec Lorraine Dufour et Trevor Ferguson, The Timekeeper a été tourné dans la langue de Shakespeare, non parce que Louis Bélanger souhaitait conquérir le marché américain, mais parce qu’il ne voulait pas dénaturer les dialogues de Ferguson qu’il trouve magnifiques. Et pourtant, il n’avait pas hésité à le faire pour l’adaptation de la pièce de George Walker, Le Génie du crime

Le réalisateur explique: "Pour Le Génie du crime, Maryse Varda (NDLR: traductrice de la version doublée en français de The Timekeeper) a fait un travail extraordinaire en transposant l’univers théâtral sans rechercher le réalisme. Je n’aurais pas pu faire cela avec The Timekeeper, car dans le protestantisme et le catholicisme, les notions du Bien et du Mal ne sont pas les mêmes. Mine de rien, Trevor est fils de pasteur, et ça paraît dans son écriture. Remarquez comment le cuisinier (Gary Farmer) et le contremaître (Stephen McHattie) s’expriment. Je n’aurais pas voulu faire un film dans le bois où on aurait dit des trucs simples."

Avant de se rendre aux Territoires du Nord-Ouest avec le romancier, ému de se retrouver sur les lieux où il a travaillé durant sa jeunesse, Bélanger avait même songé à transposer l’action à la Baie-James, où les chantiers étaient régularisés, contrairement à celui qui est illustré dans The Timekeeper.

"Il faut vraiment comprendre qu’en 1964, avance le réalisateur, les gens qui se sont rendus aux Territoires du Nord-Ouest, des immigrants, des Amérindiens, des francophones, n’ont plus rien à perdre, ils sont en fuite. S’ils sont allés si haut dans le Canada, c’est qu’ils ont fui le sud afin de se refaire une virginité dans le Nord en espérant revenir. Beaucoup sont restés là-bas."

Louis Bélanger conclut: "Il y a beaucoup d’éléments autobiographiques, si ce n’est que l’exil de Trevor s’inscrit dans la mouvance de la Beat Generation, de Jack Kerouac, de Bob Dylan, de Woody Guthrie, tandis que le personnage de Martin Bishop (Craig Olejnik) est sur la route parce qu’il n’a pas le choix."

À voir si vous aimez /
Gaz Bar Blues de Louis Bélanger, Into the Wild de Sean Penn, Death Hunt de Peter R. Hunt

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THE TIMEKEEPER (L’HEURE DE VERITE)

Fils d’un pasteur récemment décédé, Martin Bishop (Craig Olejnik, convaincant) s’engage comme pointeur sur un chantier dirigé par Fisk (Stephen McHattie, le Dick Irvin de Maurice Richard, remarquable). Il y découvre le sort réservé à ceux dont les agissements déplaisent au contremaître. Une fragile alliance unit alors le jeune homme assoiffé de justice et un petit groupe de laissés-pour-compte (dont Roy Dupuis et Gaston Lepage, très à l’aise). Une parenté existe réellement entre Gaz Bar Blues et The Timekeeper qui dépeignent avec un grand souci d’authenticité un univers bien masculin. Cependant, le monde de Trevor Ferguson auquel Louis Bélanger, solidement secondé par Guy Dufaux à la photo et André-Line Beauparlant à la direction artistique, donne vie ne possède rien de la tendresse avec laquelle Bélanger couvait ses personnages dans son précédent film. À l’instar du Nord sauvage, celui-ci est rude et sans merci. Et c’est pourquoi l’on revient de cette expédition en forêt, où chaque homme fait sa loi, ébranlé.