Z32 : Nous étions soldats
Avec Z32, le réalisateur israélien Avi Mograbi force les genres.
Un jeune Israélien a assassiné deux hommes alors qu’il était soldat et cherche le pardon. Il braque une caméra devant sa fiancée. Il veut qu’elle raconte, avec ses mots à lui, avec ce qu’il a ressenti de jouissance sur le coup et la culpabilité après. "Raconte", il dit, comme une litanie. Et elle raconte. Jusqu’à épuisement des mots, jusqu’au silence, à la fin. "On arrête ça", elle demandera, comme une supplique. Il faudra donc qu’il raconte lui-même, le visage masqué, l’histoire cent fois rabâchée, la mécanique absurde déployée par l’armée pour le pousser à tuer, son ignorance et sa bêtise, la vanité humaine, aussi. Cause mille fois entendue, à tel point que le réalisateur finit par remettre en question la finalité de son propre film sous forme de chansons-interludes kitchissimes, orchestre à l’appui.
Z32 est une expérience. Celle d’un réalisateur qui décide en cours de route de donner à son documentaire une direction autre et soumet à notre regard le processus. Engagé (il a reçu de nombreux prix, dont le prix Michael Moore du meilleur documentaire pour son film Detail en 2004), Avi Mograbi voulait traiter du conflit israélien. Il livre finalement une oeuvre hybride, "tragédie musicale" qui porte autant sur la question de la rédemption face à ses intimes et au reste du monde que sur la responsabilité du cinéaste qui choisit de traiter du sujet. Sérieux lorsqu’il s’agit de soulever la question du libre arbitre, le réalisateur n’exclut pas l’autocritique, avec une bonne dose d’ironie: "Ce n’est pas un sujet pour un fil", lance sa femme devant la caméra.
Déroutant, Z32 laisse pourtant une empreinte tenace, qui doit bien plus au traitement cinématographique qu’au sujet lui-même. Avi Mograbi ne laisse aucune échappatoire à ses personnages, obligés jusque dans leurs silences à supporter l’objectif. La technique choisie pour camoufler les visages (des masques en 3D) et les passages chantés ajoutent à la bizarrerie de l’objet, et rendent encore plus difficile l’empathie pour l’ex-soldat, contrariant par le fait même le pardon tant désiré.
À voir si vous aimez /
La Nuit américaine, de François Truffaut, Pour un seul de mes deux yeux d’Avi Mograbi, Valse avec Bashir d’Ari Folman