Capitalism: A Love Story : Un capitalisme sentimental
Capitalism: A Love Story de Michael Moore s’interroge sur le prix que les Américains ont à payer par amour pour le capitalisme.
Ce cher Michael Moore serait-il à bout de souffle? En aurait-il marre d’être le porte-parole d’un peuple soumis qui accepte sans trop rechigner les humiliations que lui font subir les gouvernements s’étant succédé depuis Franklin D. Roosevelt?
Au risque d’attrister ses fans et de faire hurler de joie ses détracteurs, le débonnaire lauréat de la Palme d’Or (Fahrenheit 9/11) devenu cinéaste il y a 20 ans, soit après avoir perdu son emploi chez GM (Roger and Me), annonce lui-même en fin de partie que c’est maintenant aux Américains de manifester leur mécontentement.
L’accueil plutôt tiède lors de la sortie de son avant-dernier brûlot Sicko, où sa façon de vanter le système médical canadien avait semé le doute quant à sa bonne foi, en serait-il la cause? Sans doute pas, puisque le bonhomme a en vu bien d’autres… Toutefois, force est de remarquer que ses propos, qui n’ont rien perdu de leur ironie, semblent plus réfléchis et que Moore, que l’on voit moins qu’à l’accoutumée à l’écran, a perdu le sens du spectaculaire.
Certes, on le voit aller d’une banque à l’autre afin de réclamer l’argent des citoyens et crier sur Wall Street que des crimes ont été commis. Alors qu’une famille américaine perd son foyer chaque sept secondes et demie, tel qu’on l’apprend parmi les informations insérées au générique de fin, Michael Moore donne l’impression que son arme de prédilection, sa caméra, se révèle bien impuissante en cette période de récession.
Illustrant sans fard le sort réservé aux Américains incapables d’effectuer les paiements de leur maison, Moore dénonce avec véhémence les désastres d’un capitalisme sauvage, allant jusqu’à comparer, à l’aide d’un amusant montage – où brille évidemment George W. Bush, sa tête de Turc préférée -, le déclin de l’empire américain à la chute de l’empire romain.
Bien que l’on sente une certaine lassitude chez lui, c’est avec humour qu’il commente la dernière campagne présidentielle au cours de laquelle, sans le vouloir, Obama a remis au goût du jour le mot "socialisme". Si l’on sent sa honte de vivre aux États-Unis, l’on ressent aussi le grand amour qu’il a pour son pays. Qui sait, Moore n’est peut-être victime que d’une fatigue passagère et d’ici quelques années, peut-être reviendra-t-il caméra au poing afin que le cauchemar que nous traversons partout sur la planète reprenne le visage du rêve américain.
À voir si vous aimez /
Roger and Me de Michael Moore, Enron: The Smartest Guys in the Room d’Alex Gibney, I.O.U.S.A. de Patrick Creadon