Festival du Nouveau Cinéma (FNC) : L'appel de la Louve
Cinéma

Festival du Nouveau Cinéma (FNC) : L’appel de la Louve

Cette semaine, la 38e édition du FNC propose de tout pour tous les goûts!

Présenté en ouverture du Festival du Nouveau Cinéma (FNC), Les Dames en bleu de Claude Demers est une vibrante étude sociale qui se penche respectueusement sur le phénomène de la culture populaire et du vedettariat, en traçant le portrait de cinq admiratrices du grandiose Michel Louvain. Transcendant son sujet en de nombreuses reprises par ses incursions dans l’intimité autrement plus dramatique de ses personnages, Demers fait à nouveau la preuve que même un sujet "léger" peut être un vecteur extraordinaire pour aborder l’humanitude dans toute sa splendeur.

Film d’ouverture de la section Focus, Nuages sur la ville du Québécois Simon Galiero, qui met notamment en vedette les cinéastes Robert Morin et Jean-Pierre Lefebvre, est une fable sur la société contemporaine qui interroge principalement la place de l’artiste au milieu de ce chaos dépourvu de sens qu’est devenu notre monde. Lauréat du Jutra du meilleur court métrage pour Notre prison est un royaume, Galiero réalise un premier long métrage sans concession, produit à l’extérieur d’une industrie qui semble pourtant l’avoir en haute estime. On ne peut que saluer sa démarche, qui rappelle justement celles de Morin et de Lefebvre.

Ouvrant la section Temps Ø, le documentaire Taqwacore: la naissance de l’islam punk du Canadien Omar Majeed est une incursion tout à fait stimulante dans l’univers conservateur de la religion islamiste. Suivant les préceptes mis en place par Michael Muhammad Knight dans son bouquin The Taqwacores paru en 2003, les jeunes "taqwa" balancent leur doigt d’honneur à la ronde, et s’attardent à sublimer, par leurs chansons, un concept en pleine ébullition d’une révolution religieuse anarchiste tout à fait rafraîchissant.

George A. Romero, qui viendra cueillir sa Louve d’honneur pendant le Festival, nous propose, du coup, son nouveau long métrage, Survival of the Dead, énième variation sur la thématique des zombies, thématique au coeur de son oeuvre s’il en est une. Romero, que l’on sait capable du meilleur comme du pire, échoue cette fois à mi-chemin en empruntant de douloureux raccourcis scénaristiques qui viennent gâcher un début pourtant prometteur. Un film quelconque, qui n’a absolument rien à voir avec Night of the Living Dead et Day of the Dead.

Autre film-vedette de cette 38e édition, Antichrist, du Danois Lars von Trier, est une fable d’horreur qui édifie sa composition sur un précepte particulier selon lequel la nature pourrait tout aussi bien être l’affaire du Mal. Willem Dafoe et Charlotte Gainsbourg, lauréate du prix d’interprétation féminine à Cannes, font preuve d’une confiance aveugle envers leur maître à penser, et n’hésitent jamais à poursuivre jusqu’à la fin l’exploration hallucinée – fortement symbolique – d’un cinéaste exceptionnel. Antichrist s’avère une véritable proposition artistique conceptuelle qu’il faudra encore défricher un bon moment avant de l’accepter pour ce qu’elle est véritablement.

Le documentariste canadien Peter Wintonick présente pour sa part pilgrIMAGE, un "cinédocument" retraçant le pèlerinage entrepris par Wintonick et sa fille Mira Burt-Wintonick à travers les États-Unis et l’Europe à la recherche de l’essence du septième art. Film sans envergure cinématographique, pilgrIMAGE est également une proposition décousue, qui n’aborde son sujet – au mieux – qu’en surface. Une quête cinéphilique qui tombe à plat, et qui est à cent lieues du génial Manufacturing Consent: Noam Chomsky and the Media que nous avait servi Wintonick en 1992.

Du côté de la France, notons Demain dès l’aube de Denis Dercourt, un superbe film racontant l’histoire de Mathieu (Vincent Perez), un pianiste de renommée internationale qui tente d’extraire son frère Paul (Jérémie Rénier) de l’univers des jeux de rôles dans lequel il s’abandonne volontiers au profit de la réalité, ainsi que Le Roi de l’évasion d’Alain Guiraudie, une étrange comédie voguant constamment à contre-courant et se foutant bien des conventions de toutes sortes. Ce film met en scène Armand (Ludovic Berthillot), un homosexuel bedonnant en pleine crise de la quarantaine qui s’évade avec Curly (Hafsia Herzi), une jeune fille de 16 ans avec laquelle il consommera un amour pour le moins particulier.

Rappelons enfin que les films New Denmark et Les Signes vitaux, des Québécois Rafaël Ouellet et Sophie Deraspe, seront également présentés cette semaine. Ces deux longs métrages, stimulants au plus haut degré, se démarquent par l’incontestable maîtrise dont font preuve ces deux jeunes premiers du cinéma québécois. La grande sensibilité – voire l’empathie – qui s’inscrit à travers leur oeuvre respective semble guider, toujours, leur regard vers un autre plan aussi juste que le précédent, et qui n’hésite jamais à subordonner sa finalité à son expérience propre. On parle ici de cohérence, et de plans – de scènes, plus largement – mis au service d’un récit, d’images servant un propos narratif et pas simplement conceptuel. De grands talents qui méritent davantage d’attention de la part des cinéphiles de tous horizons. À voir absolument.

www.nouveaucinema.ca