Rencontres internationales du documentaire de Montréal : Regards sur le monde
Cinéma

Rencontres internationales du documentaire de Montréal : Regards sur le monde

Les Rencontres internationales du documentaire de Montréal célèbrent leur 12e anniversaire. Belle occasion pour découvrir ou redécouvrir ce festival assurément tourné vers le monde…

C’est le Canadien d’origine chinoise Lixin Fan qui aura l’honneur d’ouvrir les festivités le 11 novembre en soirée, alors qu’il présentera au public montréalais son premier documentaire, Last Train Home. Petit bijou d’humanité, ce film raconte les déboires d’une famille chinoise victime de la mondialisation et de la célèbre formule "Made in China". (Voir autre texte.)

Du côté des incontournables, notons d’abord le sublime Episode III: Enjoy Poverty, du Néerlandais Renzo Martens. Ce dernier, armé de sa caméra, parcourt l’Afrique pendant plus de deux ans pour expliquer aux Africains que la pauvreté est la plus grande richesse qu’ils possèdent, et qu’ils doivent à tout prix l’exploiter. Un documentaire-choc qui fait la preuve par l’absurde de ses véritables postulats.

L’Art en action est un documentaire du duo Magnus Isaacsson/Simon Bujold, et est une plongée à l’intérieur du mouvement de l’Action terroriste socialement acceptable, l’ATSA. Une bouffée d’air frais qui nous permet, en prime, de découvrir les fondateurs Annie Roy et Pierre Allard dans leur intimité. "C’est bon pour le moral", comme le dit si bien la chanson.

Tourné en banlieue de Toronto, La Cité invisible est le portait impressionniste de deux adolescents, Mickey et Kendell, qui doivent chaque jour lutter contre le déterminisme qui semble régler leur vie, dans l’espoir de s’inventer un futur meilleur. La caméra d’Hubert Davis est juste, et sa compassion, sincère, à l’intérieur d’un film qui ne se dévoile qu’avec pudeur.

Pour les amoureux de la prose de Dany Laferrière, l’occasion est belle de découvrir davantage celui qui a récemment remporté le prix Médicis dans La Dérive douce d’un enfant de Petit-Goâve, un documentaire intimiste de Pedro Ruiz qui s’avère un véritable pèlerinage dans l’univers de l’écrivain.

Produits québécois, Aimer, Finir et Je porte le voile méritent également le détour. Le premier, de Lucie Lambert, est une tendre immersion dans la vie de Jade, 22 ans, et d’Anne-Marie, 70 ans, deux femmes innues qui ont en commun un même destin tragique. Le second, coréalisé par Yanick Létourneau et Natasha Ivisic – le sujet du film -, raconte la quête d’une femme musulmane qui tente de justifier et d’expliquer le port du voile, avant de remettre en cause cette pratique même.

En vrac, il faut voir les films Orgasm Inc., une enquête dans le milieu des industries pharmaceutiques, Comrad Couture, qui fait l’apologie de la création de vêtements de haute couture minimaliste dans la RDA des années 80, et Stalags: Holocaust and Pornography in Israel, explorant un courant pornographique israélien des années 60 qui revient aujourd’hui à la mode, et dans lequel des soldats alliés sont capturés par des femmes SS dominatrices et brutales. Il faut voir, enfin, La Domination masculine, une enquête sur l’illusion de l’égalité homme/femme dans la société occidentale menée par Patric Jean, et Les Murs du son de Martin Fournier, une exploration de Cité 2000, la plus grande concentration de locaux de répétition en Amérique du Nord où de nombreux groupes se lancent sur les traces des Cowboys Fringants, Malajube et autres Voivod.

Parmi les nombreux événements organisés dans le cadre du festival, notons la table ronde Avons-nous besoin des organismes culturels publics animée par Catherine Perrin, de même que divers événements organisés en collaboration avec les RIDM et rendant hommage aux cinéastes Jean-Claude Labrecque, Pier Paolo Pasolini, Pierre Falardeau et Pierre Perrault.

www.ridm.qc.ca

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LAST TRAIN HOME

Avec Last Train Home, Lixin Fan, l’un des producteurs de Up the Yangtze de Yung Chang, livre un premier film déroutant sur la situation rurale chinoise, qui montre les côtés sombres de la mondialisation et de l’étiquette "Made in China".

"C’est un projet qui me tenait à coeur, raconte-t-il. Je pense que les problématiques de l’exploitation humaine, de la surpopulation et de la surconsommation sont d’immenses défis qui attendent autant le peuple chinois que le reste du monde. De nos jours, les populations nationales sont toutes interconnectées. Je pense qu’il était important pour les gens d’ici de saisir que les décisions qu’ils prennent ont de terribles conséquences ailleurs dans le monde."

Last Train Home, qui sortira en salle le 20 novembre, a été choisi pour ouvrir cette 12e édition des RIDM: "Pour moi, cela prouve que j’ai immigré dans le bon pays, raconte le cinéaste, un sourire dans la voix. C’est également une belle récompense, puisque le film est le résultat de trois années de travail acharné. Last Train Home est devenu, par la force des choses, une oeuvre entièrement indépendante, et ça a été excessivement difficile de mener à terme le projet. Considérant la portée éducative et sociale des oeuvres documentaires en général, je pense qu’il faudrait songer à fournir davantage de ressources aux cinéastes", conclut Lixin Fan, qui n’a sans doute pas fini de récolter les honneurs à travers le monde et d’être, du coup, le digne représentant de la diversité du cinéma canadien à l’international.