Étreintes brisées : Éloge de la chère disparue
Cinéma

Étreintes brisées : Éloge de la chère disparue

Étreintes brisées (Los Abrazos rotos), de Pedro Almodóvar, avec Penélope Cruz et Lluís Homar, est une magnifique lettre d’amour au septième art.

Dans Étreintes brisées, Penélope Cruz incarne une aspirante actrice qui joue dans un film produit par son amant (José Luis Gómez), riche homme d’affaires qui pourrait être son père. Entre elle et le réalisateur, Matteo (Lluís Homar), c’est le coup de foudre. Voulant garder un oeil sur sa maîtresse, le producteur demande alors à son fils (Rubén Ochandiano) de tourner le making of. Quatorze ans plus tard, Matteo, qui signe des scénarios sous le pseudonyme Harry Caine, est forcé de se remémorer ce tournage à la suite duquel il a perdu la vue et l’amour de sa vie.

"Cette fois-ci, il y a plus de parité que dans mes précédents films, a affirmé le flamboyant cinéaste lors de la conférence de presse cannoise. C’est vrai que dans ma filmographie, on trouve plus d’éléments féminins que masculins. Les femmes sont des battantes, alors que les hommes paraissent plus faibles. Y a-t-il un psychanalyste dans la salle? Moi, je ne me pose pas de questions. Cela dit, il est vrai que j’ai été élevé par des femmes fortes dans l’après-guerre."

"Tout m’a surpris dans le film, de la première à la dernière réplique! s’est exclamée la ténébreuse actrice lors de cette même conférence. C’est son meilleur scénario, le plus complexe et le plus fort. Mon personnage est merveilleux et différent de ce que j’ai fait. Je suis heureuse que Pedro ait pensé à moi pour jouer Lena. Au début du tournage, Pedro m’a dit d’oublier tout ce qu’on avait travaillé, c’était comme des montagnes russes."

Rencontrée quelques mois plus tard, au festival de Toronto, Cruz parlait encore avec émotion d’Étreintes brisées, allant même jusqu’à confier ce qui fut pour elle le moment le plus dur du tournage: "C’est lorsque Lena, âgée de 37 ans, explique à Matteo qu’elle souhaite devenir actrice. J’avais de la difficulté à ne pas pleurer parce que je me rappelais ma rencontre avec Pedro alors que j’avais 17 ans. Pedro comprenait pourquoi je me sentais ainsi. Je pleurais entre chaque prise tant j’étais émue."

"Il y a un accord tacite avec tous mes acteurs; je peux les toucher au plus profond d’eux-mêmes, même là où c’est douloureux. Je me considère chanceux de pouvoir le faire. Pour certains acteurs, je donne toute l’info; pour d’autres, je ne donne rien afin de leur permettre de jouer avec leurs instincts. Si nécessaire, je joue tous les rôles. Je suis même déjà arrivé à faire un cunnilingus à une actrice pour montrer comment faire à un acteur", a avoué le réalisateur, sous le regard étonné de Cruz.

Bien que le cinéma américain lui ait fait la part belle récemment, pensons à Vicky Cristina Barcelona de Woody Allen et Nine de Rob Marshall, qui prendra l’affiche le 25 décembre, l’enchanteresse espagnole ne cache pas sa joie de travailler chez elle: "J’ai plus de plaisir à jouer en espagnol, car je n’ai pas à me soucier des mots… quoique comme je joue souvent avec différents accents, j’ai toujours besoin de l’aide d’un coach. Lorsque j’ai commencé à jouer en anglais, je n’étais même pas capable d’avoir une conversation dans cette langue."

Vu dans La Mala Educación où il incarnait l’amant de Gael García Bernal, Lluís Homar retrouve ici Penélope Cruz qu’il avait brièvement croisée sur le plateau d’Allen: "Le personnage a son identité propre, il est une création unique, a expliqué Lluís Homar à Cannes. Pour Matteo, je me suis inspiré du mystère qui entoure Pedro, qui m’a beaucoup parlé de son parcours, m’a donné des sources d’inspiration, des références. Plus le tournage avançait, plus je me sentais proche de lui."

Alternant du présent au passé dans ce récit d’amours défuntes, Almodóvar profite de ce mélodrame pour faire des clins d’oeil au cinéma, allant même jusqu’à refaire des scènes de Femmes au bord de la crise de nerfs pour les besoins du film dans le film, Filles et Valises, dont on pourra voir des scènes retirées au montage sur le DVD: "Ce n’était pas pour me rendre hommage, a révélé le volubile Madrilène. Je trouvais que cette comédie offrait un plus grand contraste avec la vie de ces gens de cinéma… En plus, je n’avais pas besoin de payer de droits d’auteur!"

Visiblement enchanté du résultat, Lluís Homar a ainsi résumé l’expérience lors de l’entretien à Toronto: "Pedro sait exactement ce qu’il veut, c’est parfois dur, mais j’ai toujours confiance en lui. C’est un génie!"

En salle le 18 décembre