Romaine par moins 30 : J’ai mon voyage!
Dans Romaine par moins 30, d’Agnès Obadia, Sandrine Kiberlain découvre les splendeurs et rigueurs de nos hivers.
Larguée par son fiancé Justin (Pascal Elbé) dès leur arrivée à Montréal, à quelques jours de Noël, Romaine (Sandrine Kiberlain) profite bientôt de l’hospitalité d’une hôtesse de l’air et de ses colocs (Elina Löwensohn, Maxim Roy et Louis Morissette). Se lançant à la poursuite de Justin, parti dans le Grand Nord élever des huskies avec sa mère, Romaine doit prendre ses jambes à son cou lorsqu’un chauffeur de taxi (Pierre-Luc Brillant) la presse de l’épouser.
"L’idée de me voir dans ce personnage atypique, singulier, tendre, lunaire, très fantaisiste me plaisait, racontait l’actrice rencontrée à Paris. On m’a plus souvent vue dans des personnages évanescents, mystérieux… Ici, c’est plus terre à terre; Romaine fonce, même si elle se prend les pieds dans le tapis."
Personnage récurrent dans la filmographie d’Agnès Obadia depuis ses études en cinéma, Romaine traverse toutes sortes d’épreuves comme dans un rêve éveillé. Porté par une douce folie, Romaine par moins 30 possède un je-ne-sais-quoi évoquant la bande dessinée: "C’est un personnage très dessiné que je voulais ancrer dans un monde assez burlesque, expliquait la réalisatrice lors de son passage à Montréal, donc, c’est vrai que ça fait un peu bédé. Au départ, j’ai créé Romaine un peu en me servant de moi, de ma silhouette, de mon autodérision. À l’époque, dans la cinématographie française, il y avait peu de filles qui se plaçaient ainsi; c’était toujours les mêmes clichés sur les nanas racontés du point de vue des hommes."
Maladroite, distraite, peu sûre d’elle, Romaine rappelle une chanson de Kiberlain, La Godiche. Il n’est donc pas surprenant que l’actrice, pour qui l’humour du film s’apparente à celui d’After Hours de Scorsese, s’y soit reconnue.
"Sandrine et moi avons un truc en commun, confie Obadia en riant. Comme on n’est pas des bombes sexuelles, forcément, on se situe ailleurs et alors, il faut avoir beaucoup d’humour. C’est pour cela que j’aime cette anti-héroïne vulnérable, sensible, touchante, attachante et chiante. Romaine évolue, mais ne change pas, elle est déterminée, même si elle semble indécise."
Arpentant nos forêts enneigées affublée d’une parka rouge trop grande pour elle, éveillant l’appétit chez les hommes, Romaine évoque aussi un célèbre conte de Perrault: "Au départ, il y avait quelque chose de l’ordre du conte dans l’écriture, dans la manière dont elle traverse les événements, les épreuves, admet Agnès Obadia, tombée amoureuse du Québec lors de sa première visite, l’année de la tempête de verglas. Ensuite, il y avait la manière de dessiner la silhouette, mais je ne pensais pas vraiment au Petit Chaperon rouge. J’ai bricolé et trituré autour du conte dans l’idée des costumes qu’on lui fait enfiler, comme la parka et la robe de mariée."
Lors du tournage, où aucun flocon artificiel n’a été utilisé au dire de la cinéaste, Sandrine Kiberlain se serait donnée à fond pour le rôle: "C’était dément, tellement dingue, mais chouette aussi, se souvient l’actrice. Il faisait moins 40! J’ai dit à Agnès qu’il fallait qu’elle change le titre. C’était dépaysant de jouer avec une autre façon d’aborder les choses. Finalement, on traverse des contrées et des contrées, mais en fait, on est tous les mêmes, on est touchés par les mêmes choses."
À voir si vous aimez /
Père et fils de Michel Boujenah, Le Bonheur de Pierre de Robert Ménard, New in Town de Jonas Elmer
Les frais du voyage à Paris ont été payés par Unifrance.
ROMAINE PAR MOINS 30
Sans la grâce de Sandrine Kiberlain, il y aurait bien peu de choses à retenir de Romaine par moins 30. De fait, celle-ci s’avère désarmante en godiche qui survole comme une bulle l’univers gentiment décalé imaginé par Agnès Obadia et ses complices, Lydia Decobert, Laurent Bénégui et Louis Bélanger. Peuplée de personnages bédéesques, telle cette hôtesse de l’air qui a peur de l’avion campée avec piquant par Elina Löwensohn, cette comédie, lieu de l’action oblige, fait la part belle aux acteurs québécois, dont Pierre-Luc Brillant en beau ténébreux timbré et Marika Lhoumeau en policière façon Fargo. Dommage que le talentueux Louis Morissette y soit contraint de jouer en mode édulcoré son Jean-Michel de C.A. Toutefois, bien que ce conte hivernal possède une originalité certaine et une légèreté pimpante, force est d’admettre que le scénario a parfois l’air d’un morceau d’emmental. Et que dire de la finale qui nous laisse sur notre faim?