New Denmark : Cinéaste en série
Cinéma

New Denmark : Cinéaste en série

Avec New Denmark, Rafaël Ouellet nous offre un troisième long métrage en autant d’années. Éloge de la création en continu.

Depuis bientôt quatre ans, Rafaël Ouellet se rend dans son village natal de Dégelis chaque été pour y tourner un nouveau film. Une telle productivité est rare dans le cinéma québécois contemporain, où le sytème en place fait que les réalisateurs doivent souvent patienter plusieurs années entre chaque film.

Plutôt que de s’y résigner, Ouellet occupe le temps entre le développement de projets nécessitant davantage de moyens comme Derrière moi et Camions (un scénario qu’il vient de redéposer à la SODEC et qu’il espère tourner en 2011), en autoproduisant des films plus spontanés. "Des essais, des laboratoires comme Le Cèdre penché et New Denmark, je n’arrêterai pas d’en faire. Je trouve ça essentiel, puis je trouve ça dommage de ne pas voir l’équivalent chez plus d’autres cinéastes", confie-il, citant Michael Winterbottom et Steven Soderbergh comme exemples de réalisateurs qui créent en continu. "J’ai beaucoup de respect pour des gens comme ça qui sont capables d’être à la hauteur lorsqu’on leur demande de faire de grosses productions mais, des fois, ils sont aussi prêts à se mettre à nu et à tourner avec peu de moyens."

Pour réaliser New Denmark, Ouellet a eu la chance que son ami Podz lui prête gracieusement une caméra, en plus de dénicher des acteurs non professionnels mais instinctivement doués, dont la jeune Carla Turcotte, qui est de presque toutes les scènes du film. "C’était vraiment une belle surprise, se rappelle le cinéaste. Il y a eu un travail de direction d’acteur, c’est certain, mais elle a un talent naturel."

Sur le plan thématique, plusieurs éléments ont inspiré le film: le souvenir d’une jeunesse marquée par la mort de gens de l’entourage plus ou moins rapprochés du cinéaste; la disparition d’une jeune femme ayant étudié au même cégep que lui; le constat que malgré les malheurs, la vie reprend inévitablement son cours, souvent trop vite pour les proches des disparus; et, enfin, le concept d’un pèlerinage vers un morceau de Scandinavie, étonnamment près du Québec.

"Il y a un petit village au Maine qui s’appelle Stockholm. J’ai commencé à imaginer cette histoire-là autour de cet endroit, mais je me suis rendu compte que pour des personnages d’ados mineurs, passer la frontière américaine, c’est compliqué. Puis, là, j’ai vu qu’il y avait une ville au Nouveau-Brunswick qui s’appelle New Denmark, et je trouvais que ça donnait une couleur encore plus intéressante. Ça permettait vraiment une renaissance", conclut Ouellet.

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NEW DENMARK

Ce troisième long métrage de Rafaël Ouellet est saisissant dès le premier plan, qui ne montre d’abord que des cieux troubles surplombant une forêt pour ensuite révéler un groupe de personnes se dirigeant vers les bois pour faire une battue. Nous rencontrons ensuite Carla (Carla Turcotte, attendrissante), une adolescente qui déambule aux alentours de son village, à la recherche de sa soeur portée disparue. Avec une intrigue épurée et peu de dialogues, mais en faisant un usage de l’image (chaque lieu traversé par Carla est chargé par la présence potentielle de sa soeur ou d’un signe qu’elle est passée par là), du son (sans compter l’intrigante présence à l’écran d’un preneur de son) et de la musique (brillamment composée par Man an Ocean) plus évocateur que n’importe quelle série de rebondissements rocambolesques et de longues tirades, le réalisateur du Cèdre penché et de Derrière moi se surpasse. Maîtrisant parfaitement la forme de son film, Ouellet l’ancre dans juste assez d’émotion et de profondeur pour éviter que New Denmark ne soit qu’un exercice de style. Incontournable.