Le Petit Monde d'Elourdes : La détresse et l'enchantement
Cinéma

Le Petit Monde d’Elourdes : La détresse et l’enchantement

Dernier film du regretté Marcel Simard, Le Petit Monde d’Elourdes s’immisce en catimini dans la classe d’une enseignante exceptionnelle, Elourdes Pierre, afin de nous entretenir de la détresse "ordinaire" des enfants.

Approché par le Canal Vie pour réaliser un documentaire sur la détresse des enfants, Marcel Simard s’est rappelé que son petit-fils, aujourd’hui âgé de 16 ans, avait connu des problèmes d’intimidation au primaire. Grâce à l’écoute d’une enseignante favorisant le dialogue, le gamin avait réussi à passer à travers cette dure épreuve. Cette enseignante, que l’on aurait tous voulu avoir, c’est Elourdes Pierre de l’école alternative Nouvelle-Querbes d’Outremont.

La beauté d’une reine, la patience d’un ange, la douceur du miel: l’on pourrait chanter très longtemps les louanges de cette femme qui enseigne aux première, deuxième et troisième années du primaire. Cette dernière, que les élèves, une fois adultes, reviennent voir (l’une d’eux l’appelle sa "maman d’école"), explique avec modestie son approche.

"J’ai toujours eu de la curiosité pour la psychologie des enfants; je me suis aussi inspirée de mes collègues, de psychologues que j’ai rencontrés. Avec l’expérience de vie, mon expérience avec les enfants, je m’améliore de jour en jour. J’ai toujours été très sensible, et les enfants nous obligent à les écouter quand ils sentent qu’il y a de la place pour cela. Leurs corps nous disent des choses qu’ils ne veulent pas nous dire avec leurs bouches. La démarche d’un enfant dévoile beaucoup de choses…"

Filmé durant une année scolaire, Le Petit Monde d’Elourdes met en scène une classe multiâge qui vivra quelques problèmes interpersonnels, plus particulièrement cinq fillettes que l’enseignante invitera à créer une pièce de théâtre sur leur amitié pour le moins houleuse. Les enfants font si peu de cas de la caméra que l’on a l’impression que celle-ci est cachée et que le directeur photo a dû se servir abondamment du zoom. Ce ne fut pourtant pas le cas.

"Marcel a pris le temps de connaître les enfants, de prendre le pouls de la classe pour se faire tranquillement accepter avant d’arriver avec les deux autres membres de l’équipe (ndlr: le directeur photo Arnaud Bousquet et le preneur de son Pierre Duplessis), qui étaient très discrets. Tous devaient obligatoirement respecter les règles de vie des enfants. C’est donc leur discrétion et leur respect qui leur ont permis d’être très, très près des enfants."

Elourdes Pierre poursuit: "Marcel avait promis aux parents de leur montrer le film avant la sortie et qu’il enlèverait les scènes avec lesquelles ils n’étaient pas d’accord. Il avait pris le même engagement avec les enfants; d’ailleurs, il a fallu qu’il négocie serré avec un garçon pour préserver une scène que celui-ci voulait retirer. Marcel avait un profond respect pour les enfants."

Disparu tragiquement le mois dernier, Marcel Simard laisse pour ainsi dire Le Petit Monde d’Elourdes en guise de testament. "Je trouve que c’est un bel hommage, un don que Marcel a fait à l’éducation, et j’espère que le mouvement va se poursuivre en ce sens de faire ressortir la beauté dans le monde de l’éducation. Il y a de beaux gestes quotidiens qui se posent dans beaucoup d’écoles. La caméra s’est posée dans ma classe, mais elle aurait pu aller dans d’autres classes pour faire ressortir tous ces beaux moments-là", conclut Elourdes Pierre.

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LE PETIT MONDE D’ELOURDES

Peu de temps avant la sortie du Petit Monde d’Elourdes, Marcel Simard (Love-moi, Les Mots perdus) s’est enlevé la vie. Ce que l’on voit à l’écran est donc parmi les derniers moments heureux qu’il a vécus derrière la caméra. Cela pourrait-il affecter le jugement que l’on portera sur ce concentré de petits bonheurs et de petits malheurs, colossaux aux yeux des élèves qui les vivent, qu’est ce merveilleux documentaire? Sans doute pas puisque, au-delà du drame vécu par le cinéaste, qui a consacré son oeuvre aux laissés-pour-compte, survivent la tendresse, le respect et l’empathie qu’il vouait à ses sujets. Ayant préconisé avec bonheur une approche intimiste, parfaitement adaptée au thème choisi de la détresse "ordinaire", Marcel Simard a signé un vibrant portrait de la remarquable Elourdes Pierre, tout en croquant sur le vif de purs moments d’émotion à hauteur d’enfant. En résulte un précieux hymne à la vie.