Rapt : Seul au monde
Cinéma

Rapt : Seul au monde

Rapt, de Lucas Belvaux, s’inspire d’un fait divers ayant bouleversé la France en 1978: l’enlèvement du baron Empain. Yvan Attal s’y donne corps et âme.

Puissant homme d’affaires belge, le baron Empain fut enlevé en 1978 en sortant de chez lui. Pendant ses 63 jours de captivité, sa vie privée éclata au grand jour, alors que sa famille se déchirait. Au dire du baron, qu’on accusa d’avoir orchestré son kidnapping, le retour fut plus dur que sa détention. N’ayant pas voulu recréer l’époque de toutes pièces ni s’embarrasser d’une multitude de détails, Lucas Belvaux (La Raison du plus faible) a préféré s’inspirer librement de ce fait divers qui fit couler beaucoup d’encre. Le réalisateur a même osé choisir un acteur n’accusant aucune ressemblance avec le tristement célèbre baron pour l’incarner.

Pour les besoins du rôle, Yvan Attal a perdu 20 kilos en deux mois en suivant un régime draconien qui l’a isolé de sa famille et de l’équipe de tournage: "C’était un tournage éprouvant, se souvient l’acteur joint au téléphone. On n’aborde pas ce genre de rôle comme un personnage de bon vivant. Rien que le régime m’a plongé dans quelque chose qui était difficile, mais bizarrement, on a toujours du plaisir. Avec Lucas, on s’est laissé porter par ce qu’on imaginait et ce qu’on ressentait à propos de cette histoire. Laisser l’imaginaire parler colle parfois plus à la réalité… une réalité que de toute façon on ne connaît pas."

Au cours de l’incarcération, la presse dévoila de longs pans de la vie privée d’Empain: ses maîtresses, ses dettes de jeu, etc. Si l’homme a été jugé durement par le public, ses collègues et sa famille, il n’en fut rien pour Attal: "Je n’ai absolument pas à juger qui que ce soit et encore moins un personnage que j’interprète. J’ai plutôt tendance à avoir de l’empathie pour mes personnages puisque je finis par les comprendre. En tout cas, je leur donne des circonstances atténuantes. Je ne crois pas qu’un homme qui a peut-être une arrogance en raison de son statut, qui a trompé sa femme ou qui joue aux cartes mérite qu’on lui coupe un doigt et qu’on lui sacrifie sa vie."

L’une des répliques lancées dans le film insinue que les hommes de pouvoir devraient se conduire de façon irréprochable, ce avec quoi l’acteur semble d’accord. "Je pense qu’on a des responsabilités. On ne peut pas être à la tête d’un groupe sans se dire qu’il y a cette responsabilité. En revanche, je ne crois pas personnellement que ce qui lui a été reproché portait réellement préjudice à son entreprise. À preuve, elle fonctionnait et il n’a jamais été pris en flagrant délit d’incompétence. De même, il a été un bon mari et un bon père, mais à partir du moment où l’on connaît ses secrets, on ne regarde plus l’homme de la même manière."

Aujourd’hui septuagénaire, le baron Empain paraît en paix avec son passé, appelant ce passage de sa vie une "vieille histoire". "Je pense que c’est la meilleure manière de survivre à des événements comme cela. Afin de se préserver, il ne faut pas ressasser les mauvais souvenirs de façon à ne pas replonger dans les cauchemars", conclut Yvan Attal.

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RAPT

Bien qu’Yvan Attal, dont le visage est souvent cadré de près, ce qui ne lui laisse que ses yeux pour s’exprimer, livre une performance sobre et bouleversante dans la peau d’un homme d’affaires qui voit sa vie ruinée à la suite de son enlèvement, Rapt, plutôt téléfilmesque dans sa facture, ne convainc qu’à moitié. De fait, la première partie décrivant la captivité et la demande de rançon ne se révèle guère haletante. Ainsi, on assiste aux coups de bec acérés entre l’épouse (Anne Consigny, parfaitement glaciale), la mère (Françoise Fabian, délicieusement hautaine) et le principal associé (André Marcon), lesquels donnent à penser que Lucas Belvaux veut faire rimer bourgeoisie et barbarie. En comparaison, les ravisseurs (dont Gérard Meylan et Maxime Lefrançois) semblent plus civilisés que les membres de la bonne société qu’il dépeint avec une implacable cruauté. Enfin, au deuxième acte, lequel aurait dû s’avérer le plus puissant, les dialogues, si abondants auparavant, n’ont plus la même force et peinent à traduire le désarroi de l’homme d’affaires devant son entourage égoïste et calculateur.