Mike Leigh / Jim Broadbent / Another Year : Beau temps, mauvais temps
Cinéma

Mike Leigh / Jim Broadbent / Another Year : Beau temps, mauvais temps

Dans la comédie dramatique douce-amère Another Year, Mike Leigh réunit autour de Jim Broadbent une distribution impeccable afin de discourir sur l’amour, l’amitié et la mort.

Printemps, été, automne, hiver, Tom et Gerri (Jim Broadbent et Ruth Sheen) mènent une vie paisible et confortable. Régulièrement, ils reçoivent à dîner leur fils Joe (Oliver Maltman), leur ami Ken (Peter Wight) et, surtout, Mary (Lesley Manville), collègue doucement névrosée de Gerri, qui croit que le bonheur consiste à rencontrer l’âme soeur.

Au Festival de Cannes, où Another Year était en compétition, certains journalistes ont fait remarquer que Mike Leigh n’était pas très tendre envers ses personnages célibataires. "ll est vrai que les gens mariés y ont l’air plus heureux que les célibataires, reconnaît Broadbent rencontré au festival de Toronto, mais il ne faut pas oublier le personnage d’Imelda Staunton, apparaissant brièvement au début du film, qui n’est pas heureuse avec son mari. Je ne crois pas que le film ne soit bienveillant qu’envers les couples, bien que le récit s’articule autour d’un couple solide et heureux."

À ce souvenir, le cinéaste, également croisé à Toronto, cache à peine sa colère: "Croire une telle chose, c’est bêtement généraliser à partir de ce que le film raconte, et ça me déprime. Je ne comprends pas plus pourquoi on accuse le film d’être méchant envers Mary; Another Year n’est pas un soap mièvre, c’est un film empathique qui peut être dur à prendre. On ne peut pas décoder mon film selon le langage du cinéma américain populaire, mais on peut le faire avec le langage de la vie – langage que certains journalistes ne comprennent pas, trop occupés à ne voir que des films."

Sur sa lancée, Mike Leigh poursuit: "Depuis des années, certains ont une fausse opinion de mes films. Lorsque je choisis une situation, je la montre telle quelle, sans juger, ni critiquer, ni célébrer la peine des personnages. Prenez Mary, ce qu’elle vit est triste, pathétique, parfois grotesque, mais c’est une battante. Si l’on croit que je la montre en disant: "riez de cette femme", on se trompe. Il faut être stupide, naïf et ignorant pour penser cela. Il existe une espèce de journalistes qui sont tellement conditionnés à chercher le négatif, tellement marinés dans le cynisme, que cela les porte à me voir comme un être cynique. Je suis tout sauf cynique."

De fait, Another Year ne baigne pas dans le cynisme. Certes, il y a des moments déchirants, sombres, cruels, mais jamais le réalisateur ne fait preuve de cynisme ni de méchanceté à l’endroit de ses personnages. Bien au contraire, dans sa façon de filmer ses acteurs, d’être attentif à leurs réactions se ressent toute la tendresse qu’il éprouve à l’égard de ses héros "ordinaires".

Pilier de la famille Leigh, Jim Broadbent explique: "Mike Leigh prépare méticuleusement ses personnages, et ce que l’on voit à l’écran, c’est la pointe de l’iceberg. Au départ, il n’y a pas de scénario, nous créons nos personnages à partir d’improvisations. Chaque personnage est le sujet de recherches et de discussions. Au final, le scénario est très précis. En tant qu’acteur, on se sent vraiment intégré au processus de création et on comprend mieux les structures du récit. Si l’on regarde le film au premier degré, les personnages apparaissent ordinaires, mais en les observant de plus près, on se rend compte de leur profondeur, de leur complexité."

Si la complicité exceptionnelle qu’il partage avec son clan d’acteurs s’avère capitale, Mike Leigh reconnaît l’apport d’un fidèle acolyte depuis Life is Sweet en 1990, le directeur photo Dick Pope: "En tant que cinéaste, je crois avoir grandi considérablement depuis que je travaille avec Dick Pope. Nous avons ensemble repoussé nos limites, nous obligeant l’un l’autre à faire des choses que nous n’avions jamais faites. Il y a des directeurs photo qui semblent souffrir du syndrome de la Tourette; ce qui est extraordinaire chez Dick, c’est qu’il peut tout traquer en gardant sa caméra statique."

En salle le 28 janvier