Isabelle Huppert / Copacabana : Désobéissance civile
Cinéma

Isabelle Huppert / Copacabana : Désobéissance civile

Copacabana, de Marc Fitoussi, présente une Isabelle Huppert comme on l’a rarement vue. Colorée, immature, rêveuse, Babou, la mère indigne qu’elle incarne auprès de sa fille Lolita Chammah n’en demeure pas moins un personnage attachant, généreux et déterminé.

Si l’on s’étonne de découvrir Isabelle Huppert sous le maquillage voyant de Babou, lorsqu’on gratte la surface du personnage, on se rend compte qu’elle n’est peut-être pas si loin des froides héroïnes chabroliennes, lesquelles n’obéissent qu’à leur propre loi, que ce soit Violette Nozière, Madame Bovary, Mika la chocolatière (Merci pour le chocolat) ou la juge Jeanne Charmant-Killman (L’Ivresse du pouvoir).

"Oui, elle n’est pas si loin, admet l’actrice rencontrée en novembre lors de son passage à Montréal, mais ce qui la différencie des autres personnages et ce qui m’intéressait le plus, c’est qu’elle est sympathique, ce que je n’avais pas beaucoup exploré au-delà de l’éternelle et fameuse opposition entre drame et comédie, qui, moi, ne me préoccupe pas outre mesure. Babou, c’est un personnage sans stratégie, sans calcul, dont on peut aussi comprendre pourquoi sa relation avec sa fille Esméralda génère des conflits, car elle a une manière d’être attentive aux autres qui la rend inattentive à sa propre fille. La revendication d’Esméralda semble donc très légitime."

Dans le rôle de la fille de Babou, l’on retrouve Lolita Chammah, fille d’Isabelle Huppert. C’est d’ailleurs grâce à elle que Marc Fitoussi, qui l’avait mise en scène dans son précédent film La Vie d’artiste (inédit au Québec), a pu approcher le monstre sacré du cinéma français.

Discrète sur sa vie privée, Isabelle Huppert ne voyait pas d’inconvénient à partager le haut de l’affiche avec sa fille: "Marc nous a convaincues par son talent. Cela m’a pris le même temps que lorsque j’accepte le film d’un metteur en scène que je ne connais pas très bien. Il fallait que je voie l’ouverture d’esprit de Marc pour prendre ma décision. Ce n’était pas du tout le fait de jouer avec ma fille qui m’inquiétait, même si j’ai bien su et compris ce que cela pouvait engendrer. Le fait qu’elle soit ma fille, c’était plutôt facile car il y a toute une partie de l’histoire sur laquelle on n’avait pas à se poser de questions."

Veine comique

Bien qu’on l’ait déjà vue dans des comédies, plus récemment dans Les Soeurs fâchées d’Alexandra Leclère et dans 8 femmes de François Ozon, il semble que chaque fois qu’Isabelle Huppert passe au registre comique, on a l’impression de la redécouvrir. C’est notamment le cas dans Copacabana. Comment expliquer un tel phénomène?

Isabelle Huppert hausse les épaules: "Il est vrai que ces comédies sont différentes les unes des autres. J’en ai fait beaucoup et j’en referai; je viens d’ailleurs d’en terminer une autre avec Anne Fontaine (ndlr: Mon pire cauchemar avec Benoît Poelvoorde et André Dussollier). Je ne suis pas une comédienne très rassurante puisque je joue dans des films un peu dérangeants. Alors de jouer tout à coup un personnage sympathique, ça donne l’impression d’une proximité."

Sans doute une telle proximité est-elle peu courante puisque très tôt dans sa carrière, Isabelle Huppert a été étiquetée comme une actrice "glaciale", "distante" et "cérébrale", trois mots se glissant dans la plupart des portraits de l’artiste écrits au cours de sa prolifique carrière.

"Ça ne me dérange ni m’arrange, avoue-t-elle simplement. C’est quelque chose contre lequel j’essaie de ne pas lutter. Dans mon cas, cette image s’est construite à travers les rôles, car les gens font une confusion, très légitime, entre la personne et les personnages. Et même lorsqu’une image ne se construit pas qu’à travers les rôles, qu’on la fabrique à travers les médias, là aussi, dans la plupart des cas, il y a une forme de malentendu parce que lorsqu’on répond à une interview, on est dans une posture assez éloignée de ce qu’on est véritablement. C’est donc une question de perception."