Rachid Bouchareb/Hors-la-loi : Il était une fois en France
Cinéma

Rachid Bouchareb/Hors-la-loi : Il était une fois en France

Faisant suite à Indigènes, premier volet de sa trilogie sur le passé colonial de la France, Hors-la-loi, de Rachid Bouchareb, relate le destin de trois frères algériens vivant en France durant la guerre d’Algérie.

En 2006, lors de la présentation d’Indigènes au festival de Toronto, Rachid Bouchareb avait dit avec ferveur au public vouloir "récrire l’histoire, toute l’histoire, pas qu’une histoire". De fait, dans Indigènes, le cinéaste français d’origine algérienne voulait rendre justice aux soldats issus des colonies françaises s’étant battus pour la France durant la Seconde Guerre mondiale.

Quatre ans plus tard, le voilà racontant la guerre d’Algérie vécue par trois frères, Messaoud (Roschdy Zem), ancien combattant de la guerre d’Indochine, Abdelkader (Sami Bouajila), membre du FLN, et Saïd (Jamel Debbouze), tenancier de cabaret de la place Pigalle, vivant dans un bidonville de Nanterre avec leur mère (Chafia Boudraa).

"Je trouvais que c’était intéressant, un récit avec trois frères, confiait le réalisateur rencontré au festival de Toronto. Ça me permettait d’avoir une opposition entre les deux premiers, et un troisième se trouvant entre les deux."

S’ils portent les mêmes prénoms que dans Indigènes, les acteurs principaux, lauréats du prix d’interprétation à Cannes avec Bernard Blancan que l’on retrouve ici en officier chargé de coffrer les membres du FLN, n’y incarnent pas les mêmes personnages bien que s’y devinent quelques similarités.

"Je dirais que les trois acteurs sont liés à l’histoire personnelle, poursuit Bouchareb. Ils sont nés en France, ont grandi en France, ont connu les développements de la société française et sont issus d’anciennes colonies françaises (NDLR: Debbouze et Zem sont d’origine marocaine et Bouajila, tunisienne). Tout s’est donc fait naturellement, car ils sont contenus de cela, comme ils l’étaient dans Indigènes."

Alors qu’Indigènes, qui a permis aux soldats des colonies d’enfin obtenir leur retraite, a connu un grand succès lors de sa sortie en salle, Hors-la-loi a été montré du doigt comme un film anti-français. Avant même qu’il soit projeté au Festival de Cannes, le député UMP des Alpes-Maritimes Lionnel Luca avait entrepris une croisade contre le film, réclamant qu’on interdise sa sortie.

"À Cannes, il y a eu des réactions négatives, mais c’était une minorité, se souvient Rachid Bouchareb. Ce n’est pas la France dans son ensemble, mais le sud de la France, là où l’extrême droite est assez forte, où l’on retrouve des nostalgiques de la guerre d’Algérie. Malgré toutes les menaces, Thierry Frémaux, délégué général du Festival, a tenu bon et a présenté le film. Aujourd’hui, il ne reste plus rien de ces attaques, la France est quand même une terre de liberté."

Souhaitant clore sa trilogie avec un épisode portant sur 50 ans d’immigration maghrébine en France d’ici quelques années, Rachid Bouchareb conclut: "Avec Hors-la-loi, je voulais déterrer le passé. Je trouve que la société française a besoin de faire ce voyage dans le passé colonial pour ensuite acquérir une sérénité face au présent et au futur de la France avec les anciennes colonies et avec les populations d’origine maghrébine vivant en France. C’est important de raconter tout ce passé que peu de gens connaissent, de l’amener dans le débat de la société actuelle."

À voir si vous aimez /
Indigènes de Rachid Bouchareb, L’ennemi intime de Florent Emilio Siri, Nuit noire d’Alain Tasma

ooo

Hors-la-loi

S’il évoque par son ambition, son souci d’authenticité, la fresque Il était une fois en Amérique de Leone et par sa violence L’armée des ombres de Melville, Hors-la-loi de Rachid Bouchareb ne se hisse pas à la hauteur de ses sources d’inspiration. Trop souvent manichéen, didactique et anecdotique, porté par des personnages pour lesquels on peine à éprouver de la sympathie, malgré leurs souffrances et humiliations, et la sincérité des acteurs (Jamel Debbouze, Roschdy Zem et Sami Bouajila), ce deuxième chapitre de la trilogie algérienne souffre d’une mise en scène par endroits brouillonne. Ainsi, lors des mouvements de foule, la caméra de Bouchareb ne semble plus savoir qui ou quoi suivre, comme si le chaos de l’époque avait pris le dessus sur la narration.