Festival international du film de Karlovy Vary : Échos de la Bohême
Cinéma

Festival international du film de Karlovy Vary : Échos de la Bohême

Au 46e Festival international du film de Karlovy Vary, le cinéma québécois ne passe pas inaperçu, tandis que deux films canadiens concourent pour le Globe de cristal.

Au coeur de la pittoresque station thermale au charme un tantinet kitsch, le Festival international du film de Karlovy Vary présente quelque 200 films devant un public nombreux et enthousiaste, principalement composé de jeunes venus camper dans les environs. En 46 ans d’histoire, un seul réalisateur d’ici a reçu le très convoité Globe de cristal, soit Charles Binamé pour Le coeur au poing en 1998.

Cette année, se retrouve parmi les 12 films en compétition Roméo Onze d’Ivan Grbovic, présenté dans les prochains jours. Ce premier long métrage du réalisateur de La chute dépeint la réalité montréalaise du point de vue d’un jeune Libanais (Ali Ammar); l’excellente Sara Mishara signe la photographie.

Projeté en début de semaine, Collaborator, premier film de Martin Donovan, donnera-t-il du fil à retordre à Roméo Onze? Huis clos agréablement tendu offrant une efficace satire des médias, Collaborator met en scène un dramaturge (Donovan, solide) pris en otage par un ami d’enfance perturbé (David Morse, à la fois inquiétant et attachant).

"Gus est le genre de personnage dont on entend brièvement parler dans les faits divers, expliquait Morse peu après la projection. Ici, on lui donne un visage humain en racontant son histoire. Pour moi, ce n’est ni un tueur ni un psychopathe, mais une victime de la société."

Alors que le sanglant Hobo with a Shotgun de Jason Eisener a tout pour ravir les cinéphiles friands d’humour outrancier lors des Séances de minuit, on attend impatiemment la réaction du public devant le "mocumentaire" d’Aaron Houston Sunflower Hour (Forum of Independent), que l’on dit décapant, où quatre marionnettistes se disputent férocement un rôle dans une émission pour enfants.

Hors compétition, Laurentie, audacieuse réflexion sur la crise identitaire québécoise de Mathieu Denis et Simon Lavoie (Le déserteur), où brille Emmanuel Schwartz, a décontenancé le public: "On a voulu, dans un geste libérateur de transgression, montrer le mépris, le malaise, l’ignorance entre les Québécois de souche, les anglophones et les allophones", a confié Lavoie.

"Laurentie renvoie à un énoncé poétique des premiers nationalistes d’ascendance fasciste qui désignait le Québec; pour nous, c’est Hérouxville, c’est donc un titre ironique et provocateur", de dévoiler Denis.

Reconnaissant son talent depuis la présentation en 1996 du collectif Cosmos, le festival propose une rétrospective de l’oeuvre de Denis Villeneuve: "J’ai hâte de revoir mes deux premiers films (Un 32 août sur Terre et Maelström) sur grand écran, a-t-il avoué lors d’un déjeuner avec la presse québécoise, ça fait bien 1000 ans que je ne les ai pas vus."

Ayant refusé d’animer une leçon de cinéma – "Dans 25 ans, peut-être, si je fais encore du cinéma" -, Villeneuve semblait avoir le vent dans les voiles. Il faut dire qu’en plus du tournage prochain de Prisoner, l’homme a été approché par Martin Scorsese et Russell Banks pour réaliser American Darling: "Je suis ému de penser que Scorsese a pris le temps de voir Incendies."

Les frais du voyage en République tchèque ont été payés par le Festival international du film de Karlovy Vary.