André Forcier / Coteau rouge : Ils vont tous bien
Cinéma

André Forcier / Coteau rouge : Ils vont tous bien

André Forcier retrouve avec bonheur sa famille d’acteurs afin de livrer un vibrant hommage à son quartier chéri, Coteau rouge. Un très bon cru qui lui a valu le Prix de la CQ pour le long métrage canadien coup de coeur du public au dernier FFM.

Ce n’est pas sans un pincement au coeur que l’on a assisté à la première de Coteau rouge au Festival des films du monde de Montréal où il faisait office de film d’ouverture. De fait, à quelques secondes de la projection du matin, on apprenait que l’on nous présenterait une copie de travail, c’est-à-dire non étalonnée, sans générique de fin, avec une post-synchro déficiente dans certaines scènes et une trame sonore incomplète.

"J’espère que le public ne voudra pas me tuer à cause de ça", a lancé André Forcier à quelques heures de la cérémonie d’ouverture. Certainement pas, puisque les spectateurs matinaux ont accueilli favorablement cette saga familiale où l’aîné, Honoré Blanchard (Paolo Noël), ex-vidangeur de cadavres, prétend être le fils d’un esturgeon femelle géant. Vous l’aurez deviné, la fantaisie est reine dans cet univers où la grand-mère Micheline (Louise Laparé) porte avec délectation l’enfant de sa fille Hélène (Céline Bonnier) tandis que son petit-fils Alexis (Maxime Desjardins-Tremblay) fait rêver les bourgeoises des environs en leur vendant les bienfaits de la corde à linge et de la tonte de gazon écologique.

"Il y a quelque chose d’idyllique là-dedans, d’utopique, avoue d’emblée le cinéaste. Il faut que ça le soit parce qu’il faut qu’on puisse rêver. Ça reste une comédie malgré son côté macabre. On se débarrasse des corps assez vite. L’esturgeon aspire tous les cadavres et pas un ne remonte à la surface. On peut ne pas y croire, mais moi, j’y crois."

Tout ne va pas nécessairement pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ainsi, pendant qu’Henri (Mario Saint-Amand), boxeur ayant dû accrocher ses gants après avoir perdu un biceps, voit sa femme Estelle (Hélène Reeves) se mourir d’un cancer, son frère aîné Fernand (Gaston Lepage), mari de Micheline, défend bec et ongles son garage qu’Éric Miljours (Roy Dupuis), petit ami d’Hélène, veut faire démolir afin d’envahir Coteau rouge en y construisant des condos.

"La ville de Longueuil ne défend pas le patrimoine des ouvriers, explique André Forcier. Ces maisons-là ont été construites par des ouvriers après la guerre, parfois par des vétérans de l’armée, des gens de Saint-Henri, d’Hochelaga-Maisonneuve. Aujourd’hui, il reste encore plusieurs de ces petites maisons-là, pleines de charme, qu’on veut démolir. Ces maisons se construisaient avec à peu près n’importe quoi qui leur tombait sous la main. C’étaient des temps héroïques qu’on ne peut pas reconstituer aujourd’hui. Il faut donc y aller par l’allégorie du vidangeur de cadavres."

Par sa façon sans scrupules de vouloir régner sur le petit monde de Coteau rouge, le Miljours de Roy Dupuis, qui semble s’amuser à jouer les salauds à cravate, n’est pas sans rappeler le Polo de Jean Lapointe, ce propriétaire corrompu qui faisait trembler ses locataires dans L’eau chaude, l’eau frette: "Ça m’amusait follement d’aller à contre-pied du côté défenseur de la nature de Roy Dupuis. J’ai l’impression que je pourrais faire plusieurs longs métrages et même une série à la télévision avec ce sujet."

Au-delà du pittoresque des personnages, de la poésie décalée et de l’insolite de certaines situations, Coteau rouge est le cri du coeur d’un homme indigné qui a choisi l’humour comme arme de persuasion: "Il y a un côté engagé, presque militant, et je ne m’en cache pas d’ailleurs, car je suis très préoccupé par l’avenir de mon quartier qu’on est en train de vandaliser. Je voudrais qu’on amorce une réflexion sur la protection du patrimoine ouvrier, que ce soit Coteau rouge ou ailleurs, sinon, on va se ramasser seulement avec des boîtes à savon", conclut avec conviction André Forcier.

En salle le 9 septembre.