Festival international du film de Toronto : Brèves rencontres à Toronto
Au Festival international du film de Toronto, il y a tant de films à voir, tant de rencontres à faire qu’on a trop souvent l’impression de passer à côté de bien des choses. Voici tout de même un petit aperçu de ce qu’on a pu attraper.
À peine arrivée à Toronto jeudi midi, il a fallu faire un choix déchirant: Pina de Wim Wenders ou Moneyball de Bennett Miller? Étant plus attirée par la danse que par le baseball – et ce, même si Brad Pitt tient le haut de l’affiche et que le réalisateur de Capote signe le tout – c’est le réalisateur allemand qui a gagné, d’autant plus qu’il nous attendait peu après la présentation. Tourné en 3D, Pina s’avère un magnifique hommage à Pina Bausch, cette grande chorégraphe disparue en 2009, où les danseurs de sa troupe revisitent son oeuvre avec émotion.
"J’ai attendu 20 ans pour faire ce film, expliquait Wenders. La danse ne me touche pas, mais lorsque ma compagne m’a traîné de force à un spectacle de Pina, j’ai immédiatement voulu faire un film sur elle. C’est en voyant U2 3D que le déclic s’est fait, c’est en 3D que je devais faire ce film. J’ai failli abandonner lorsqu’elle est morte, mais les membres de la troupe m’ont convaincu de continuer."
Le lendemain, à défaut de pouvoir rencontrer George Clooney ou Ryan Gosling, on a donc jeté son dévolu sur Max Minghella afin de discuter du thriller politique The Ides of March. Solidement ficelé, ce film de Clooney met en scène Gosling dans le rôle d’un ambitieux secrétaire (Gosling, peu expressif) de la campagne présidentielle d’un gouverneur démocrate (Clooney, rappelant tour à tour Kennedy et Clinton…) qui voit son idéalisme fortement ébranlé. Sans doute que plusieurs seront encore plus critiques et cyniques face à la politique après avoir vu The Ides of March: "Au contraire, avance Minghella, qui incarne le bras droit de Gosling, je crois que l’on ressentira davantage d’empathie envers les politiciens que l’on montre ici comme des êtres humains avec leurs forces et leurs faiblesses."
Le samedi, ce fut au tour de la cinéaste Agnieszka Holland de confier ses états d’âme sur notre société alors qu’elle parlait d’In Darkness, bouleversant et suffocant huis clos relatant comment des juifs polonais ont survécu pendant des mois dans les égouts de Lvov afin d’échapper aux nazis: "La Seconde Guerre mondiale n’est pas vraiment terminée… Et maintenant, on le sent plus que jamais dans cette période de crise, pas seulement économique, où l’on ne sait pas où les changements dans les pays arabes mèneront; il y a une grande incertitude, mais en même temps, les gens veulent mener leur petite vie chacun de leur côté."
Ce même jour, on apprenait que Take Shelter, énigmatique et envoûtant drame familial de Jeff Nichols où l’éblouissant Michael Shannon incarne un homme persuadé qu’il doit protéger sa famille d’une éventuelle tornade, avait remporté le Grand prix à Deauville. La lumineuse Jessica Chastain, qui interprète la femme de Shannon, parle ainsi de la relation entre l’acteur et le réalisateur: "Ils sont comme des frères, parfois, je devais mettre mon pied à terre pour qu’ils m’incluent dans les conversations à propos des scènes où je jouais. Je suis de nature timide, mais je me suis inspirée de la force de caractère de mon personnage pour y arriver."
La persévérance est sans doute l’une des grandes qualités de Glenn Close, qui brille dans le rôle d’une femme se faisant passer pour un homme en Irlande au 19e siècle, Albert Nobbs, classique mais touchant film à costumes de Rodrigo Garcia: "Je rêvais de faire ce film depuis 1982!, a-t-elle confié. Ce qui est bien, c’est que j’ai pu améliorer mon jeu durant toutes ces années, mais je peux vous dire que c’est le rôle le plus difficile de ma carrière."
Revenu de Venise où il venait de remporter le prix d’interprétation masculine pour son rôle de dépendant sexuel dans l’explicite et contemplatif Shame de Steve McQueen, Michael Fassbender, portant blouson de cuir, t-shirt et cigarette à l’oreille, a avoué: "Après avoir incarné Jung dans A Dangerous Method (ndlr: (académique adaptation de la pièce de Christopher Hampton par David Cronenberg) puis ce personnage dans Shame, j’ai eu besoin de repos tant j’avais l’impression que j’allais devenir fou."
Enfin, lors de la dernière soirée dans la Ville-Reine, Monsieur Lazhar de Philippe Falardeau s’imposait tout naturellement. Mettant en vedette Fellag, excellent dans le rôle-titre, cette fine et vivante adaptation de l’émouvante pièce d’Evelyne de la Chenelière s’intéresse à la relation entre le remplaçant d’une enseignante s’étant enlevée la vie et ses élèves endeuillés. Comme pour C’est pas moi, je le jure!, la coach d’enfants Félixe Ross a fait un travail formidable, les jeunes Émilien Néron et Sophie Nélisse y étant prodigieux. "J’aurais aimé que la réaction d’hier soir soit magique comme à Locarno, où il y avait 5000 spectateurs, a confié le producteur Luc Déry peu avant cette projection. Espérons qu’aujourd’hui, les gens seront plus réceptifs." Mission: accomplie.