Philippe Falardeau / 35 ans de Spirafilm : Classe de maître
Cinéma

Philippe Falardeau / 35 ans de Spirafilm : Classe de maître

Après les Oscars, les Génie et les Jutra, Philippe Falardeau se pointe à Québec, le temps de participer aux célébrations des 35 ans de la coopérative Spirafilm.

Interviewé juste avant les Jutra et la rafle opérée par son Monsieur Lazhar, le réalisateur continuait de flotter sur l’enthousiasme entourant son récent passage au Kodak Theatre. "C’était vraiment le fun! Je suis passé à la pompe à essence, j’ai fait le plein de confiance et ça va me permettre de continuer. Bon, le caractère ostentatoire autour des Oscars m’énerve un peu, mais une fois sur le tapis rouge, c’est très difficile de ne pas être impressionné par la taille et l’aura de cette manifestation. Il ne faut pas se le cacher, un Jutra ne fera pas exploser mon film au box-office, alors que la nomination aux Oscars a au moins doublé les recettes au Québec."

Alors qu’il sera de passage pour une classe de maître au Musée de la civilisation, le cinéaste en profitera pour partager son expérience et redonner un peu de ce qu’il a reçu. "À ceux qui veulent tourner, je répète souvent l’importance de savoir ce qu’on filme, pourquoi on le filme, et pourquoi on le filme de cette façon. Je trouve ça faible lorsqu’un réalisateur me montre sa capacité d’utiliser des grues et des travelings. Je ne veux pas voir la réalisation, mais une histoire. La question n’est jamais de savoir si les images sont belles, mais si l’histoire marche."

En fait de leçons qu’il tire de ses récents succès figure également la nécessité de se créer un style propre. "Je pense n’avoir essayé d’imiter personne avec Monsieur Lazhar, et il s’est rendu assez loin. Il est tout de même ironique de voir un film intimiste en français, fait au Québec, se rendre aux Oscars, alors que si j’avais essayé de faire un film de studio pour me rendre aux Oscars, je n’y serais jamais arrivé."

Découvert à l’instar des Trogi, Aubert et Villeneuve avec la Course destination monde, Philippe Falardeau demeure conscient que sa carrière aurait pu prendre une tournure tout autre. "Ma chance, on me l’a donnée avec la Course, et j’ai eu un parcours privilégié depuis. À l’époque, on ne mettait pas des jeunes dans des lofts ou des jacuzzis en leur demandant d’être narcissiques ou insignifiants; on leur donnait des caméras et de la liberté, en leur demandant de rencontrer l’autre en parcourant le globe. J’ignore ce qui fait qu’on a pu glisser à la télé autant que ça… On a bien tenté de ressusciter la Course, mais on est tombé dans un truc aseptisé, encadré, spectaculaire d’élimination. Cela dit, je pense que les jeunes n’ont plus besoin de la Course. Voyager est plus facile qu’avant, tourner aussi. Beaucoup de gens ont fini par se la faire eux-mêmes, leur Course."

Pour ceux qui envieraient ses récents faits d’armes, l’homme derrière Congorama et C’est pas moi, je le jure! se permet aussi de rappeler l’importance d’une culture générale bien alimentée. "Quand on regarde le parcours des grands réalisateurs de l’histoire du cinéma, on constate qu’ils avaient des formations souvent assez larges. À moins d’être un génie, je ne crois pas qu’on puisse nourrir le cinéma seulement du cinéma. Il faut se nourrir de la vie et de champs d’intérêt divers, que ce soit la littérature, la musique, l’archéologie ou la science."

Et pour les jeunes cinéastes qui préféreraient ranger leurs rêves devant une industrie faisant prétendument la part trop belle aux blockbusters, il réserverait cette note moins pessimiste: "Faute de fonds, beaucoup d’auteurs sont laissés sur le carreau, c’est vrai, mais le cinéma d’auteur se porte ici beaucoup mieux que dans le Canada anglais et dans bien des pays. Regardez les nominations aux Génie et aux Jutra: ce sont des films d’auteur, rarement des films commerciaux. Le cinéma d’auteur au Québec demeure fragile et requiert qu’on lutte continuellement pour s’assurer d’un financement varié, mais il se porte bien."

www.spirafilm.com

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Spirafilm a 35 ans

Vouée au soutien à la production et à la diffusion d’oeuvres cinématographiques indépendantes, Spirafilm, coopérative sise à Méduse, épaule chaque année ses 140 membres dans l’élaboration d’une trentaine de courts métrages, entre autres par l’entremise de prêt d’équipement et de formations. Pour célébrer ses 35 ans, elle invite Philippe Falardeau à ajouter son nom aux Louis Bélanger, André Forcier et autres Denis Côté qui l’ont précédé dans les soirées mensuelles de son ciné-club consacré à la promotion du cinéma d’auteur: C’est pas moi, je le jure! sera projeté à la salle Sylvain-Lelièvre du Cégep Limoilou le 26 mars, en présence du réalisateur. S’ajoutera le 27 mars une classe de maître en réalisation avec le cinéaste, au Musée de la civilisation, laquelle sera suivie d’une fête haute en couleur.