Zarafa : Le voyage fantastique
Cinéma

Zarafa : Le voyage fantastique

Pour le film d’animation Zarafa, Rémi Bezançon et Jean-Christophe Lie ont créé un destin fabuleux à la première girafe du Jardin des Plantes.

Campé à l’époque de la Restauration, Zarafa raconte le long périple d’une girafe offerte par le vice-roi d’Égypte Méhémet-Ali au roi de France Charles X le bien-aimé, ici présenté comme un abject pantin. À la sortie de Zarafa, la direction du Jardin des Plantes aurait été mécontente de l’image négative de cette vénérable institution que véhiculait le film d’animation, à son avis.

"En fait, il n’y a pas vraiment eu de polémique, se souvient Rémi Bezançon (Un heureux événement), c’est juste que le Jardin des Plantes, qui n’a pas vraiment aimé le film parce qu’on n’a pas exactement raconté la vraie histoire de Zarafa, a essayé un peu de nous mettre des bâtons dans les roues. Nous, on s’en fout."

L’histoire de Zarafa, première girafe à fouler le sol français, nous est racontée par l’entremise d’un vieil homme (Vernon Dobtcheff), au pied d’un baobab géant, qui s’adresse à des enfants d’un village africain. C’est ainsi que nous faisons la connaissance du petit Maki (Max Renaudin), gamin ayant échappé de justesse à l’esclavagiste Moreno (Thierry Frémont): "C’était très important d’avoir un conteur pour sortir de la réalité historique, poursuit Bezançon, la vraie histoire ne m’intéresse pas parce qu’elle n’a rien de cinématographique."

Pour son premier film d’animation, Bezançon s’est associé à Jean-Christophe Lie (L’homme à la Gordini); les deux hommes n’ont pas hésité à aller à contre-courant en signant un film en 2D: "Je travaillais déjà comme animateur 2D, en fait, c’est mon univers, affirme Lie. En lisant le scénario de Rémi, j’ai été conquis par la simplicité de l’histoire, dans le sens noble du terme; elle gagnait donc à être accompagnée par de la 2D et non par une surenchère d’effets spéciaux comme on en retrouve malheureusement de plus en plus dans la 3D."

Rémi Bezançon renchérit: "On voulait prendre le temps de raconter ce récit, être vraiment en contradiction avec ce qui se fait aujourd’hui, quitte à être traités de ringards. On a aussi fait le film en scope; la réussite, c’est d’être honnête avec soi, de faire ce qu’on aime, et tant mieux si ça plaît à un public jeune de plus en plus gavé de jeux vidéo. Or, Jean-Christophe vient de l’école française un peu inspirée par ce que fait Sylvain Chomet (Les triplettes de Belleville) et à la fois de l’école Disney, plus classique."

"Pas les films d’animation 2D des années 80 de Disney, rectifie Jean-Christophe Lie, mais plutôt ceux de l’époque des Aristochats, du Livre de la jungle. Tous les deux, on adore Miyazaki; on s’en est donc inspiré pour les décors, le réalisme et le rythme."

Bien qu’il s’adresse aux spectateurs de six ans et plus, Zarafa aborde des sujets graves tels que la guerre, l’esclavagisme, l’abandon et la mort: "Quand j’ai écrit Zarafa, explique Bezançon, je voulais m’adresser aux enfants comme on s’adresse aux adultes, leur parler de choses importantes de la même manière que je l’avais ressenti en regardant Holocauste enfant. L’esclavagisme, c’est très violent et je ne voulais pas du tout édulcorer les choses. D’ailleurs, on s’est demandé si on n’avait pas été trop violent au début du film."

"On parle aussi de la mort dans les contes, ajoute Lie. On est plus près de Dickens, des Grimm que de Disney. Pour un enfant, l’abandon est pire que la mort, rappelez-vous Le Petit Poucet. Moi, je déteste quand on m’explique tout; or, les enfants comprennent tout. Durant la projection, les enfants ont la larme à l’oeil, ont peur, et pourtant ils adorent le film."

"On n’a jamais infantilisé les enfants dans Zarafa, on ne s’est jamais agenouillé pour leur parler, on leur parlait à hauteur d’homme. En plus, les enfants adorent quand tout n’est pas blanc ou noir; ils aiment que ce soit nuancé comme dans la vie. On le voit bien avec le personnage de Hassan (Simon Abkarian), qui accompagne Maki dans son périple", conclut Rémi Bezançon.

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Zarafa

Elle est bien ravissante, l’odyssée à laquelle nous convient Rémi Bezançon et Jean-Christophe Lie, tant par la douceur de son rythme, la joliesse de ses couleurs chatoyantes que l’harmonie de ses formes. Et que dire des paysages africains et européens dont nous pouvons admirer la majesté pendant que le récit de ce petit Africain (Max Renaudin) accompagnant en France une girafe orpheline se déroule avec fluidité. Historique sans être didactique, à la fois mystique et folklorique, Zarafa charme par l’ambition de son sujet qu’il traite avec simplicité sans verser dans la mignardise. Prêtant leur voix à d’attachants et colorés personnages, Simon Abkarian, Ronit Elkabetz et François-Xavier Demaison agrémentent le tout avec talent.